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chèvres, les moutons, les poules errent tout le jour. La nuit, ces hôtes du logis jouissent du droit incontesté de partager l’abri sous lequel le maître repose. Malgré cela, l’intérieur des huttes est tenu avec une propreté remarquable. L’extérieur est peint en bleu ou plus souvent en blanc, couleur favorite des mahométans de l’Afrique, qui la regardent comme un emblème de la sainteté de leur croyance. Les habitations sont entourées de plantations entretenues avec soin, où les indigènes cultivent le maïs, la canne à sucre, la citrouille, les pistaches de terre, le poivre de Guinée, les ignames, une plante légumineuse qui produit de l’indigo, et du tabac en abondance. Le riz, le maïs, les ignames, sont la base de l’alimentation dans toute l’étendue du Soudan : on en fait des gâteaux soit secs, soit frits, soit arrosés de sauce.

La religion d’état, s’il est permis de s’exprimer ainsi en parlant de l’Afrique, est à Iddah l’islamisme ; mais beaucoup d’habitans sont encore païens. Ceux-là même qui professent les doctrines du Coran mêlent à leurs croyances quelques restes d’idolâtrie. Le peuple vit dans une ignorance profonde, et ceux qui sont chargés de son instruction, les mallams où prêtres mahométans, ne sont guère plus instruits que lui. Toute leur science consiste à répéter de mémoire quelques versets du Coran dont ils ne comprennent pas le sens. Les sujets du roi d’Iddah sont bien plus avancés sous le rapport de l’industrie. On fabrique dans la ville des toiles de coton peintes pour vêtir les indigènes, qui portent de longues robes et des manteaux élégamment drapés. On y forge le fer. De nombreux armuriers mettent en vente des sabres, des fers de lance et des flèches fort bien trempées. La préparation du cuir est une autre branche de l’industrie du pays. Avec la peau des chèvres et des moutons, on fait des brides, des colliers, des bracelets, des fouets, des éventails et des coussins.

Le gouvernement d’Iddah est monarchique et héréditaire dans la ligne féminine, c’est-à-dire que l’héritier du trône est le fils aîné de la sœur du roi. Ce mode de succession est le même chez un grand nombre de peuplades africaines. Quel en est le principe ? C’est ce qu’il est assez difficile de dire. Le pouvoir du souverain est arbitraire en apparence, mais il est contenu en réalité, comme à Aboh, par l’aristocratie, qui en surveille l’exercice. Toutes les questions importantes sont discutées dans un conseil de chefs présidé par le roi. Les forces militaires du royaume se composent de fantassins et de quelque cavalerie ; il y a même une troupe régulière qui fait, en tout temps, le service de gardes-du-corps du chef de l’état, et qui veille aux portes de son palais. Quant à la marine, il n’y en a point. Les habitans d’Iddah, vivant au sommet d’une hauteur à deux cents pieds au-dessus du fleuve, n’ont pas les goûts nautiques de leurs voisins d’Aboh.