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avec ses sujets des relations commerciales régulières. N’était-il pas puéril, en ce cas, de demander à cet Africain, qui ne comprenait pas l’immoralité de la traite de nègres, de renoncer au trafic qui l’enrichit, lui et ses sujets ? Il adhéra à toutes les propositions les commissaires. Pour entrer en possession des présens de la reine d’Angleterre, il aurait promis sans doute de conquérir le ciel à la tête de ses milice noires, où de dessécher les abîmes de la mer ; mais faut-il s’étonner qu’à leur retour, les Anglais aient acquis la preuve que le traité n’était pas exécuté ? Deux jours avaient été consacrés à cette négociation. Le 28 août, les bâtimens levèrent l’ancre et continuèrent leur chemin. Durant la première quinzaine du séjour des voyageurs sur le fleuve, la fièvre d’Afrique n’avait pas encore paru à bord de l’escadrille. Si les mouvemens de l’expédition avaient été moins lents, peut-être eût-elle échappé à un affreux désastre ; mais, non contens d’explorer les criques importantes, les cours d’eau tributaires de la rivière, les commandans étaient obligés, ainsi que nous venons de le dire, de perdre beaucoup de temps en conférence avec les chefs du pays ; en outre, la marche des navires était invariablement suspendue les dimanches, pendant vingt-quatre heures, pour l’accomplissement des devoirs religieux.

Au sortir d’Aboh, l’aspect du Niger change, les rives s’élèvent, le cours est moins tortueux. Des îles nombreuses sortent des eaux et ne permettent pas de reconnaître la véritable largeur du fleuve, qui est profond, surtout près de la rive droite. Les bords continuent d’ailleurs à offrir les tableaux les plus pittoresques. Les effets de lumière, dans cette patrie du soleil, sont souvent magiques. L’air est chargé d’odeurs suaves que répandent les innombrables fleurs épanouies sur les deux rives. À l’horizon, des collines de deux à trois cents pieds encadrent le paysage.

À trente lieues d’Aboh, les voyageurs aperçurent « à la clarté de la lune, qui répandait ses rayons voilés sur la rivière et sur les passages environnans, » la ligne irrégulière des hauteurs où la ville d’Iddah est située. En cet endroit, la rive gauche du Niger s’élève à près de deux cents pieds au-dessus du lit du fleuve. Le sommet est revêtu d’une riche végétation, et des plantes grimpantes de toute espèce pendent en longs festons au-dessus du précipice. Le roi d’Iddah, Ocbijeh, ne fit pas aussi bon marché de sa dignité que son cousin le roi d’Aboh. Non seulement il attendit la visite des blancs, mais il ne la leur rendit pas. Le souverain d’Iddah ne quitte pas son palais pour aller au-devant des étrangers ; il ne reçoit pas quand il pleut ; il ne se montre que couvert d’une énorme quantité d’étoffes superposées, qui lui donnent l’aspect d’un tonneau ambulant où d’un poussah ; il se cache derrière un éventail pour rire, et, s’il lui arrive de manger, les assistans doivent détourner