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révolutions avaient si bien travaillé, qu’il n’y avait plus personne sur le terrain. Ce sol nu et dépouillé était le beau idéal de l’égalité ; seulement la lumière manquait pour l’éclairer. Il est temps de faire trêve à tant de récriminations passionnées. Nous venons de voir ce que nous gagnions à exiger pour toutes les fonctions publiques des certificats d’origine républicaine ; n’en demandons plus que d’un seul genre, ceux qui attestent les services rendus et la possibilité d’en rendre encore. La politique avec ses changemens à vue a perdu ses droits à faire admettre ou exclure ; la capacité seule garde les siens. Au nombre de ses trop rares mérites, la forme républicaine compte pourtant celui de rallier plus aisément les citoyens autour de l’intérêt commun du pays, en éloignant les questions de personnes et en épargnant aux cœurs bien faits le sacrifice toujours pénible d’anciens attachemens à des devoirs nouveaux. Parmi tant de doutes qu’elle suscite de toutes parts, c’est bien le moins qu’elle puisse servir à calmer les scrupules de quelque conscience délicate. Ne perdons pas un instant, si nous voulons mettre à profit cet avantage.

Ce sont là aujourd’hui et toujours les conditions d’un ordre véritable dans un grand pays. Si le nouveau gouvernement de la France laisse espérer qu’il en est pénétré, le concours de tous les gens de bien lui est acquis pour une telle œuvre ; leur critique ne se fera pas attendre, s’il s’en écarte. Nous ne prétendons qu’à mêler notre voix à celle du grand parti modéré de la France entière, et à nous faire tour à tour l’interprète des vœux et l’écho des avertissemens de l’opinion. Mais le pouvoir, malgré son grand nom, ne peut pas tout, nous le savons. Quand il ne s’agit que de laisser aller et de détruire, sa tâche est facile et promptement accomplie. Sur cette voie large, nous allions vite et sans enrayer, et chaque jour marquait nos progrès. Dès qu’il s’agit de remonter, la chose n’est plus si aisée : par lui-même, cerné surtout, comme il l’est, par la jalouse surveillance de nos lois, ce qu’il peut faire est peu de chose ; les institutions, les partis, la société tout entière, ont le devoir de lui venir en aide, et nous ne serons pas les derniers à y travailler pour notre humble part.

Parce que nous avons une constitution telle quelle, n’allons pas croire, en effet, que nous avons des institutions politiques. Le principe une fois admis de la souveraineté populaire illimitée, les constitutions sont peu de chose. Toute constitution fondée sur la souveraineté du peuple porte en elle-même son article 14 en permanence, et peut être changée comme elle a été donnée. Elle engage le peuple souverain comme les lois de la nature engagent le Dieu tout-puissant, sous la réserve des miracles qu’il peut faire, quand il lui plaît. Le tout est que les miracles soient de bon aloi, et que des magiciens de contrebande n’en dérobent pas le secret. Jusqu’ici, la souveraineté du peuple avait