Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oublié, en Angleterre, et le Niger et les expéditions qu’on y a dirigées ; mais voici que M. William Allen, capitaine dans la marine royale britannique, l’un des chefs de l’expédition de 1841, vient de publier le récit de son voyage, et l’attention s’est reportée aussitôt vers les contrées qui ont été le théâtre de son dévouement et de celui de ses compagnons. Nul doute que l’esprit d’entreprise et d’aventures, qui a conduit déjà tant d’explorateurs célèbres dans l’intérieur de l’Afrique, ne s’éveille de nouveau à la lecture de cet intéressant ouvrage. Les difficultés que présente un voyage sur le Niger sont au moins diminuées par les travaux de l’auteur ; il a renfermé dans son livre le fruit d’une expérience chèrement acquise par bien des souffrances personnelles, et par la perte d’un frère, mort victime du climat. Il faut espérer que ses observations et ses sacrifices ne seront pas perdus pour ceux qui lui succéderont dans une carrière bien périlleuse. Il est même permis de croire, sans méconnaître le mérite d’aucun des compagnons de M. Allen, que, si les avis qu’il a donnés dans le cours de l’expédition avaient été suivis, le désastre qui l’a terminée aurait pu être évité en partie. Quoi qu’il en soit, les nouvelles informations que contient le récit de cet officier sur le Niger et sur les populations qui l’avoisinent marquent un progrès dans la connaissance des mœurs et des institutions africaines, comme dans la description géographique de ces contrées. À ce titre, ce livre méritait de fixer notre attention ; il est aussi pour nous l’occasion de présenter un tableau rapide des notions acquises jusqu’à ce jour sur cette partie de l’Afrique.


I – DÉCOUVERTE DU NIGER

L’existence du Niger est restée douteuse jusque dans les dernières années du XVIIIe siècle. Cependant les anciens avaient parlé de ce fleuve : on trouve dans Hérodote, dans Léon l’Africain, des renseignemens vagues sur la situation du Niger au centre de l’Afrique ; à l’époque des grandes découvertes modernes, les voyageurs, tout occupés de l’Amérique et des Indes orientales, n’ont fait aucun effort sérieux pour en trouver la trace. C’est seulement en 1788 que des Anglais ont formé une association dont le but principal était de reconnaître et de relever le cours du Niger. En se mettant en présence de la carte d’Afrique, dont les contours seuls pouvaient être alors indiqués avec certitude, voici ce qu’ils aperçurent. Sur les bords de la Méditerranée, des états riches, puissans et populeux : le Maroc, l’Algérie, Tripoli, l’Égypte ; au-delà, le grand désert roulant ses vagues de sable ; puis, à la lisière méridionale de ce sol maudit et frappé de stérilité, une vaste contrée, le Soudan, qui devait offrir, disait-on, à l’œil ravi les merveilles d’une végétation