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autrichien, près duquel il était tombé, lui fournit les moyens de se compléter un costume qui était en même temps un excellent déguisement. Revêtu des habits de l’officier ennemi, le docteur put se traîner jusqu’à une chaumière voisine, et les habitans, qui reconnurent l’uniforme redouté de l’Autriche, n’osèrent pas lui refuser l’hospitalité. Retenu pendant plusieurs jours par ses blessures dans cet humble asile, le docteur Martinoli put enfin quitter ses hôtes, non pour courir à de nouveaux combats, mais pour s’éloigner d’une patrie où la lutte armée contre l’Autriche avait complètement cessé. Aujourd’hui, le dernier chef des partisans du Tyrol mène dans l’exil une vie obscure. Ceux des volontaires commandés par MM. Martinoli et Taddei qui ont pu échapper aux soldats de l’Autriche se sont pour la plupart retirés en Suisse. Ainsi a fini une guerre qui semblait ne promettre à l’Italie que des triomphes, et que le mauvais vouloir, l’impéritie où la mésintelligence de quelques chefs a transformée en un déplorable enchaînement de revers.

Les vallées du Tyrol italien sont retombées sous la domination autrichienne. La police impériale y sévit avec une rigueur impitoyable. Le Tyrol, jusque dans ses vallons les plus reculés, est transformé en un vaste camp soumis à la loi militaire, et sur plusieurs points on a vu des soldats autrichiens commettre des violences qui rappellent les plus tristes scènes de la Gallicie. S’ensuit-il que le mouvement du Tyrol italien vers l’indépendance soit arrêté ? Non sans doute ; mais ce mouvement se poursuit sous une nouvelle forme. Il ne met plus les armes aux mains de quelques partisans aventureux, il ne place plus même son avenir dans une armée généreuse et indisciplinée ; il se continue par des protestations et par des négociations. À la diète de Francfort, l’attitude des députés tyroliens n’a pas changé, et, si une conférence européenne s’ouvre sur les affaires d’Italie, le Tyrol y aura des mandataires qui défendront énergiquement sa cause. La communauté d’origine, de langue, d’intérêts, le droit des populations, leurs vœux manifestés à diverses reprises, tout fait à l’Europe un devoir de la reconnaissance de la nationalité italienne du Tyrol méridional. Les destinées de l’Italie et de cette partie du Tyrol ont été trop étroitement unies durant la guerre de 1848, pour qu’elles puissent rester long-temps séparées. L’indépendance de la Lombardie a pour conséquence naturelle l’indépendance du Tyrol, on le comprendra de plus en plus. Les deux pays ont été associés dans le même désastre ; le même jour aussi devra éclairer leur affranchissement.

Christine Trivulce de Belgiojoso.