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qués et cinq fois vainqueurs. Cette vie étrange d’une poignée de montagnards entourés d’ennemis dans les solitudes des Alpes est un de ces épisodes que la guerre du Tyrol seule pouvait offrir. On devait cependant prévoir le moment où il serait impossible de prolonger la résistance. Vers la fin de juillet, les inquiétudes qui commençaient à agiter les populations lombardes pénétrèrent dans le Tyrol, et le docteur Taddei reçut des rapports alarmans sur les progrès des armées autrichiennes. Un corps de chasseurs du Tyrol allemand descendait par la vallée d’Ulter vers le Tonale, et menaçait de prendre la bande du docteur en flanc, tandis qu’un autre corps de soldats autrichiens, descendant vers le mont Stelvio, la prendrait par derrière. Il n’y avait qu’un moyen pour les volontaires tyroliens de continuer la guerre : c’était de pénétrer dans la vallée de Non, où on pouvait occuper des positions plus sûres et résister plus long-temps ; mais, pour exécuter avec succès ce mouvement en présence des Autrichiens, qui approchaient de toutes parts, il fallait autant d’habileté que de courage. M. Taddei s’entendit encore une fois à ce sujet avec son ami Martinoli. Les deux chefs se partagèrent la conduite de la périlleuse entreprise. M. Taddei devait passer du Tonale dans la vallée du Soleil, et de là dans la vallée de Non. M. Martinoli, avec trois cents hommes, devait marcher vers la même vallée en traversant le Saint-Bernard, le Rabbi, la vallée de Bressinone, en longeant la vallée d’Ulter, puis en tournant brusquement à droite par Ocagno. Le lieu du rendez-vous pour les deux troupes était le bourg de Clés.

Cette marche sur Clés fut fatale aux volontaires tyroliens et amena leurs derniers combats. À peine le docteur Martinoli avait-il quitté avec sa petite bande les verdoyantes retraites du Montocio, qu’il se voyait menacé de tous côtés par des corps nombreux d’Autrichiens. L’un venait du nord-ouest, l’autre arrivait par le nord, un troisième par le sud-est. Un seul côté demeurait libre ; mais M. Martinoli savait bien que cette route ne resterait pas long-temps ouverte, et que les Autrichiens partis du mont Stelvio allaient l’intercepter. En somme, deux mille soldats aguerris cernaient presque entièrement les trois cents montagnards. M. Martinoli comprit qu’il ne lui restait qu’un moyen de salut : c’était de s’ouvrir un passage à la baïonnette du côté du nord-ouest, afin de gagner quelque gorge écartée du Stelvio. L’intrépide docteur fit appel au courage de ses compagnons, et ceux-ci lui répondirent comme il s’y attendait. On se précipita sur les Autrichiens, et on réussit à fendre les rangs ennemis ; toutefois cette héroïque retraite ne s’opéra point sans faire de nombreuses victimes. Le docteur Martinoli lui-même, perdant son sang par trois blessures et laissé pour mort sur le champ de bataille, ne revint à lui que long-temps après la fin du combat. Les ennemis l’avaient dépouillé de ses vêtemens ; mais le cadavre d’un officier