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nacée. Le général Durando résista à ces nouvelles instances. Le rôle des volontaires allait finir. La Lombardie touchait à une crise dernière et décisive. Les jours qui précédèrent la dissolution de l’armée des volontaires furent marqués toutefois par un glorieux combat, qui montra ce qu’on aurait pu attendre de cette brave jeunesse, si on avait su mieux diriger sa fougue. Le colonel Kaminsky, chef de la légion polonaise, ayant appris qu’un corps d’Autrichiens stationnait dans le bourg de Lonate, à peu de distance du camp, obtint du général Durando la permission de marcher contre l’ennemi. Il appela aussitôt autour de lui les jeunes volontaires de la colonne Mannara, ses propres Polonais et quelques volontaires de la colonne Borra. On devine si l’annonce d’un prochain combat les réjouit. Dès le soir même, la petite troupe couchait à Curzago, sur la route de Lonate, et le lendemain matin elle rencontrait un détachement d’infanterie autrichienne, précédé par un nombreux corps de cavalerie. Une première charge des volontaires disperse la cavalerie ; l’infanterie résiste plus long-temps, mais elle finit par plier. Soutenus par l’émotion du succès et plus encore par l’idée qu’à cette heure même Milan est peut-être livrée aux horreurs du pillage, les Lombards poursuivent les Autrichiens jusqu’au-delà de Lonate et les atteignent dans leurs retranchemens. Un combat acharné s’engage. Cette fois encore les Autrichiens ont le dessus ; mais, avant de se retirer, ils ont enlevé aux assaillans leur chef intrépide : une balle a frappé le colonel Kaminsky, qui est tombé au milieu de leurs rangs, et que l’on a cru mort[1]. Les volontaires s’arrêtent alors ; de nombreux renforts demandés par les Autrichiens se dirigent vers le lieu du combat. Une plus longue poursuite compromettrait la victoire. Polonais et Lombards retournent porter la nouvelle de leur succès au camp du général Durando. Là une autre nouvelle les attend, terrible, accablante : Milan a capitulé. Le gouvernement auquel ils obéissaient, celui de la Lombardie indépendante, n’existe plus. L’ordre leur est donné de se séparer, de quitter la frontière, où toute opération militaire doit cesser. La stupeur empêcha dans ce moment tout désordre, et, parmi les jeunes soldats licenciés après tant d’inutiles fatigues, il n’y eut ni menaces ni révolte. Les uns allèrent grossir les bandes qui se maintenaient avec Garibaldi sur un autre point de la frontière ; les autres passèrent en Suisse, espérant s’unir aux réfugiés lombards de toutes les classes qui se portaient sur ce territoire, et former ainsi le noyau d’une nouvelle armée de l’indépendance ; mais la Suisse désarma les débris de nos bandes fugitives et ainsi s’évanouit le dernier espoir de ces infatigables partisans.

  1. Le colonel Kaminsky n’était que grièvement blessé ; emmené comme prisonnier à la suite de ce combat, il a été échangé depuis et rendu à la liberté.