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c’est un symbole qu’elle a pris et non un maître qu’elle s’est donné. La France abattue qui avait gémi sous le comité de salut public pouvait s’asservir à Napoléon ; mais la France courageuse du 15 mai et du 24 juin est assez forte pour se sauver elle-même. Les hommes qu’elle met à sa tête sont moins ses chefs que ses instrumens. Elle s’est donné un président, elle se donnera bientôt une assemblée pour se débarrasser de l’héritage de doctrines subversives, comme elle s’est donné un général pour forcer les repaires du socialisme. Elle ne demande pas, elle ne permettrait pas même à son élu de faire autant que le premier consul. Elle ne lui demande dans les quatre ans de son pouvoir temporaire, ni l’éclat de Marengo, ni la sagesse du code civil ; mais elle ne lui livrerait pas non plus sa liberté, dont elle vient de faire un si bon usage. La part ainsi faite à la différence des temps, il y a pourtant quelque rapport entre ce que la France attend aujourd’hui du pouvoir qu’elle a créé et ce qu’elle reçut alors comme une grace de l’homme qui l’avait affranchie en même temps que conquise.

Ces vœux de la France sont assez clairs, on peut les résumer en deux mots : la défense complète, sincère, explicite, de tous les principes d’ordre contre toute attaque ouverte ou déguisée, violente ou subreptice, aussi bien celle qui se glisse par insinuation dans le texte des lois que celle qui veut pénétrer par la force dans leur sanctuaire ; point de socialisme, cela va sans dire, mais pas davantage d’économie politique républicaine ayant pour but d’amener graduellement vers un type idéal, d’abaisser, pour ainsi dire, su une pente douce la société que la Providence a faite. L’abîme est au fond : qu’on y descende ou qu’on s’y précipite, on ne s’y romprait pas moins les membres et la tête. Point de principes préconçus, point de théorie favorite qui prévale sur l’intérêt pressant de la défense de l’ordre social. Toutes les formes de gouvernement également bonnes si elles servent cette grande cause, toutes également condamnées sans hésitation, si elles la compromettent, même un seul jour.

Voilà pour le fond de la politique, et c’est parce que le premier consul professa hardiment ces principes, qu’on vit en huit jours le crédit de la France relevé, le respect de son nom répandu au dehors, la sécurité renaître dans les cœurs, et que du haut en bas de la société on sentit courir comme un souffle de résurrection. Dans le choix des personnes, le rapport est plus frappant encore. Ce que la France veut aujourd’hui, c’est ce large et intelligent système, si habilement pratiqué en 1801, pour panser les plaies des révolutions. La France est lasse des exclusions. Si chaque révolution nouvelle a son ostracisme et ses sentences d’anathème, sa fécondité n’est pas telle qu’elle y puisse pourvoir. Il n’y a pas de pays qui puisse suffire à se mettre en abattis, tous les quinze ans. Nous avons vu le moment où l’opération était complète et où les