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nal que le gouvernement autrichien recruta les membres de ces commissions extraordinaires qui signèrent les condamnations des Pellico et des Confalonieri, et qui inventèrent de nouvelles tortures, ignorées même des inquisiteurs espagnols. Cependant ces hommes, les Salvotti, les Zajotti, les Menghini, n’étaient ni dévoués à la maison d’Autriche, ni partisans convaincus du pouvoir absolu ; leurs victimes les entendirent plus d’une fois s’excuser auprès d’elles du rôle odieux qu’ils étaient forcés de jouer. Les libéraux étaient les plus faibles, et la liberté telle que l’entendent les peuples civilisés, et qui n’est après tout que l’exercice de certains droits politiques, n’inspirait aux Tyroliens aucun attachement sincère : ils trouvaient tout simple de se ranger du côté des oppresseurs.

Toutefois, si la liberté n’était pour les Tyroliens qu’une idée abstraite, un prétexte à factions et à combats, il en était autrement de la nationalité. Pendant les guerres de l’empire, les montagnards du Tyrol méridional s’étaient déclarés contre les Français, qui avaient détruit leur existence politique et institué un vice-roi à Milan, tandis que l’Autriche leur promettait une existence indépendante. La question de l’indépendance, qui demeura comme abandonnée pendant tant d’années en Europe, fut reprise dernièrement en Italie ; elle émut douloureusement les Tyroliens. La confédération germanique s’occupait de constituer son union douanière, et l’Italie parlait de l’imiter, impatiente qu’elle était de saisir toutes les occasions de prononcer les mots si chers de nationalité et d’Italie. Ce fut alors que le Tyrol méridional s’agita. Du moment que l’opposition de l’Italie contre l’Autriche se transportait sur le terrain des nationalités, du moment qu’on les mettait en mesure de choisir entre la nationalité allemande et la nationalité italienne, les habitans des vallées alpestres ne pouvaient demeurer froids et indifférens. Devant eux s’étendaient les plaines de cette Italie dont ils parlaient la langue ; les hommes nés dans cette plaine leur ressemblaient comme des frères ressemblent à des frères, leurs souvenirs se confondaient dans un passé commun ; enfin leurs intérêts étaient les mêmes. Réuni à l’Allemagne, le Tyrol apporterait à sa nouvelle patrie des besoins, des tendances, des coutumes étrangères, qu’il lui faudrait bientôt sacrifier ; réuni à l’Italie, ses besoins, ses tendances et ses mœurs seraient ceux de la population entière. Les lois, les institutions, auraient pour objet la satisfaction de ces besoins, de ces tendances, le développement de ces mœurs. La question fort simple était ainsi posée : Le Tyrol s’appartiendrait-il, où appartiendrait-il à l’étranger ?

L’Autriche possède à un degré supérieur l’art de déraciner les peuples du sol où ils ont pris naissance, d’égarer les nationalités par la création de nationalités factices, n’ayant de base ni de cause que le caprice, ou, ce qui est encore pis, la politique du souverain. C’est ainsi