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indignation, l’un des amis d’André Hofer, un de ces paysans guerriers qui chassent ou qui combattent, selon que leur patrie est libre ou esclave. Les soupçons d’André Hofer et des siens n’étaient que trop fondés. L’Autriche ne tint nullement ses promesses, et le Tyrol se trouva seul aux prises avec la puissance presque surhumaine de Napoléon.

Qu’allait faire cette nation de sept cent mille hommes, sans alliés, sans autres forteresses que les pics escarpés de ses rochers, sans armées régulières, sans artillerie (car les Autrichiens avaient tout emporté, canons et munitions) ? Cette nation se défendit, et elle sut même prolonger vaillamment la résistance. André Hofer repoussa les troupes qui occupaient le Tyrol, et pendant quelques jours le sang coula à flots dans toutes les vallées. Un moment, le Tyrol put se croire affranchi. Hofer le gouvernait sous le titre de vicaire de l’empire[1]. Cependant la paix de Vienne avait été signée ; des injonctions précises furent envoyées au Tyrol, de la part de l’Autriche, pour que l’on y déposât immédiatement les armes. La France et la Bavière accompagnèrent ces injonctions de menaces. Ni les unes ni les autres ne produisirent d’abord le moindre effet ; mais les hommes prudens finirent par se faire écouter : ils conjurèrent les combattans de réfléchir à l’inégalité des forces. Leur rôle était facile : du moment que l’on discutait, le parti de la soumission devait l’emporter, et il l’emporta. On promit le désarmement, et André Hofer se soumit.

Les autorités françaises de Milan ne regardèrent pas la soumission de l’héroïque partisan comme sincère ; elles procédèrent à sa capture. Hofer s’était retiré dans un chalet situé au milieu des rochers, à peu de distance de la rivière Possayer[2]. Sa tête avait été mise à prix. Tranquille et confiant dans la loyauté de ses compatriotes, Hofer ne s’inquiétait point. Malheureusement le Tyrol comptait un traître parmi ses enfans. Le prêtre Donaï avait toujours libre accès auprès d’André, qui avait foi en sa vieille amitié. C’est Donaï pourtant qui dénonça et livra Hofer. On sait comment mourut le chef tyrolien. Le gouvernement de la Lombardie voulut peut-être épargner à l’Autriche l’embarras de réclamations inutiles, car l’ordre d’exécuter Hofer dans les vingt-quatre heures parvint de Milan aux autorités de Trente par la voie télégraphique. André Hofer ne témoigna dans ses derniers momens qu’une émotion douce et triste. Il marcha à la mort d’un pas ferme, la tête haute et le front serein. Seulement, arrivé sur le lieu désigné pour l’exécution, il promena un long regard sur le pays pour lequel il allait mou-

  1. Il y a quelques années, l’on trouvait encore dans le Tyrol des pièces de monnaie fondues à l’effigie de André Hofer.
  2. Aujourd’hui encore ce chalet existe, ou plutôt il a été transformé en une hôtellerie où les étrangers de tout rang et de tout pays affluent pour voir le toit qui servit d’abri au grand partisan tyrolien.