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de cette forteresse et rétablir les communications entre l’Autriche et le Tyrol ; mais la bataille de Wagram et l’armistice de Znaïn vinrent changer complètement la situation. L’Autriche se vit contrainte d’abandonner les malheureux Tyroliens à leurs anciens seigneurs et ennemis les Bavarois.

Cet abandon de l’Autriche ne pouvait manquer de blesser profondément les montagnards qui avaient si énergiquement servi sa cause. Ces naïves populations n’oublient facilement ni un bienfait ni une offense. Les Tyroliens étaient dès 1806 mécontens des Bavarois, mais ils pouvaient espérer alors d’alléger un joug trop lourd par une résistance calme et digne. C’était l’Autriche qui, par ses promesses trompeuses, leur avait mis les armes à la main, et c’était elle maintenant qui signait la paix avec les ennemis du Tyrol, sans stipuler aucune garantie en faveur de ses anciens alliés. Au moment où cette triste nouvelle se répandit dans les montagnes, les troupes autrichiennes que les habitans venaient de délivrer n’avaient pas encore quitté le pays. Cet André Hofer, que l’on a représenté jusqu’ici comme la victime de son dévouement romanesque à l’empereur d’Autriche, conçut la pensée hardie de retenir le général Leiningen et le reste des troupes autrichiennes en otages, et d’entreprendre à ses risques et périls la guerre contre la France, contre la Bavière, au besoin contre l’Autriche elle-même. Ce n’était pas la crainte qui pouvait détourner les Tyroliens de l’exécution d’un pareil projet ; mais il était encore possible de les tromper. Le général autrichien baron de Hosmayer, émissaire viennois, se chargea de ce soin en prodiguant aux Tyroliens les plus flatteuses assurances. Du départ des troupes autrichiennes dépendaient, à l’entendre, le salut et l’indépendance du Tyrol. Jamais l’Autriche n’avait eu la pensée d’abandonner ses intéressans alliés ; mais, pour qu’il lui fût possible d’insister efficacement en leur faveur auprès des Français, il était nécessaire que l’accord de l’empereur et des Tyroliens ne parût pas troublé. Les paysans du Tyrol n’étaient pas de force à lutter de finesse avec les courtisans autrichiens. Craignant, après tout, d’être injustes en voulant éviter d’être dupes, ils relâchèrent les Autrichiens et leur permirent de retourner dans leur pays. Les adieux que fit aux Autrichiens un chef tyrolien au nom de ses camarades méritent d’être rapportés. « Allez, leur dit-il ; vous êtes entrés en amis dans nos vallées, sortez-en de même ; seulement, si vous en sortez pour nous trahir et nous abandonner, évitez d’y rentrer, car vous ne savez pas combien est terrible la vengeance du Tyrolien. Si vous nous trahissez, craignez désormais deux choses, le Tyrolien dans cette vie et Dieu dans l’autre. » Ainsi parlait, dans les premiers jours d’août 1809, debout devant le général Leiningen, le bras tendu vers les montagnes qui séparent le Tyrol italien du Tyrol autrichien, et le visage enflammé d’une sainte