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même un moment le droit de faire tomber le mépris sur les organes officiels de la loi. C’était pitié naguère encore, dans les sessions de conseils-généraux, de voir ces préfets de fabrique nouvelle sur la sellette, pour ainsi dire, devant les élus de département, et autour d’eux la curiosité malveillante d’un public de petite ville se donnant à cœur joie le spectacle de l’incapacité prise sur le fait et de la présomption confondue. Les hommes qui réfléchissent en souffraient, non pas pour eux, mais pour le principe de l’autorité même, dégradée dans leur personne. Le glaive de la loi, qu’ils ont manié d’une main maladroite, ils le rendront émoussé, ébréché, à leurs successeurs, et, sur le siége où ils se sont assis, il faudra plus d’un jour pour effacer leur trace.

Ainsi le mouvement naturel de la richesse paralyse entre les mains de ses dépositaires, et par suite le malaise général de la société ; toutes les passions haineuses se produisant au grand jour, et formant des commentaires passionnés aux fausses doctrines économiques du gouvernement ; les fonctions publiques jetées au hasard, comme un appât pour les faiseurs de révolutions ; la loi abaissée dans ses représentans officiels : en voila plus qu’il n’en faut pour expliquer le sentiment général d’inquiétude qui parcourait la société tout entière, et le mouvemens désespéré qu’elle a fait pour en sortir, en dépit du déploiement de moyens répressifs et des efforts souvent consciencieux du dernier gouvernement. Ce qui lui manquait comme autorité morale, vainement ce gouvernement le demandait-il à la force. Il se ruinait, et nous avec lui, dans ces emprunts usuraires ; ce qui veut dire tout simplement que, même en temps de révolution, les hommes se gouvernent encore plus par les idées que par les canons. Le croirait-on ? il n’y a pas jusqu’à la politique étrangère, où l’on dirait qu’il ne s’agit guère que de forces à mesurer, qui ne souffrît de l’incertitude morale des principes et de la position de nos gouvernans. Ceux-ci avaient fait peut-être plus de sacrifices à la paix qu’aucun de leurs prédécesseurs, et la paix cependant n’avait jamais été si coûteuse à la fois et si précaire. On se demanda, en effet, avec quelque surprise, pourquoi, pour ne pas intervenir en Italie, une armée des Alpes sur le pied de guerre était nécessaire ? pourquoi tant de menaces de débarquement pour ne pas occuper Venise ? pourquoi trois mille hommes à bord des bâtimens de l’état pour ne pas protéger l’autorité du pape ? Ces résultats négatifs sont peut-être sages ; mais, pour y arriver, il ne semble pas indispensable d’être armée de pied en cap, et la monarchie, à qui la paix fut tant reprochée, ne la payait au moins pas si cher. En diplomatie, comme en politique extérieure, il est des principes qui tiennent lieu d’armée, et assurent à eux seuls la prépondérance d’une grande nation. La fidèle observation des traités, le respect des gouvernemens établis, le scrupule dans les moyens d’influence, la considération personnelle,