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« Vendredi après-midi, le coroner et un jury ont examiné le cadavre d’une dame du voisinage d’Holborn, laquelle mourut des suites d’une blessure qu’elle avait reçue de sa fille le jour précédent. Il paraît, d’après l’enquête, que, tandis que la famille se préparait à dîner, la demoiselle prit un couteau sur la table et en menaça une petite fille, son apprentie, qu’elle poursuivait autour de la chambre. À la voix de sa mère, qui cherchait à la retenir, elle renonça à son premier objet et s’avança vers sa mère en poussant des cris perçans. Le bruit amena vite le maître de la maison, mais il était trop tard. Il trouva la mère sans vie percée au cœur sur son fauteuil, la fille se tenant sur elle d’un air égaré, le couteau à la main, et le vieillard, son père, pleurant à côté, le front saignant et meurtri par une fourchette que la fille avait lancée avec fureur dans la chambre. — Peu de jours auparavant, la famille avait observé chez cette demoiselle quelques symptômes de folie, lesquels s’accrurent mercredi soir, au point que, le lendemain matin de bonne heure, son frère alla chercher le docteur Pitcairn ; mais ce gentleman n’était pas chez lui. — Il semble que la jeune dame a déjà eu une fois la tête dérangée. — Le jury a rendu un verdict de folie. »

Lamb écrivit à Coleridge :


« MON TRÈS CHER AMI,

« White, où quelqu’un de mes amis, où les papiers publics, vous ont appris en ce moment les terribles calamités qui sont tombées sur notre famille. Je ne vous en dirai qu’un mot. Ma pauvre sœur, ma sœur chérie, dans un accès de folie, a donné la mort à sa propre mère. Je ne suis arrivé que pour lui arracher le couteau des mains. Elle est à présent dans une maison de fous, d’où je crains qu’on ne la transporte dans un hôpital. Dieu m’a conservé la raison ; je mange, je bois, je dors, et je crois que mon jugement est très sain. Mon pauvre père a été légèrement blessé, et je reste pour prendre soin de lui et de ma tante. M. Norris, de l’école des habits bleus, a été très bon pour nous ; nous n’avons pas d’autre ami ; mais, Dieu merci ! je suis très calme, maître de moi, et capable de faire ce qui reste à faire. Écrivez-moi une lettre aussi religieuse que possible, mais ne faites pas mention de ce qui est arrivé. Pour moi, le passé n’existe plus, et j’ai quelque chose de mieux à faire que de sentir.

« Que le Dieu tout-puissant nous ait en sa garde.

« C. LAMB.


« Ne me parlez pas de poésie ; j’ai détruit jusqu’au dernier vestige des vanités de cette sorte.

« Votre jugement vous convaincra qu’il ne faut rien dire de cela à votre chère femme. Veillez à votre famille ; il me reste assez de raison et de force pour avoir soin de la mienne. Je vous en prie, ne songez pas à venir ; écrivez. Je ne voudrais pas vous voir si vous veniez. Que le Dieu tout-puissant vous aime et nous tous.

« C. LAMB. »


C’est le premier moment de la douleur, la douleur muette qui refoule