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seule qualité impériale lui valait d’emblée l’entourage des personnes les plus importantes du pays ? Que ces personnes aient soutenu sa candidature en vue de telle ou telle combinaison politique, ce n’était pas notre goût, nous le confessons encore, mais ce n’était pas non plus une raison pour qu’elles dussent s’engager directement à son service, sans avoir le contre-poids nécessaire du fauteuil présidentiel dans l’appui déterminé d’une assemble homogène. Vienne seulement la législative, et nous aurons alors au gouvernement nos forces les plus éminentes, parce que leur jour enfin sera levé. C’est un des motifs pour lesquels nous désirons le plus impatiemment des élections nouvelles. La proposition de M. Rateau satisferait parfaitement au vœu presque universel de la France : elle ne traîne ni ne précipite un dénoûment qu’il sera plus sage d’accepter que de contester.

En attendant, les positions militaires occupées par le maréchal Bugeaud et le général Changarnier sont des gages donnés à la sécurité publique. On peut disputer sur la régularité de cette adjonction capitale dont le ministère s’est assuré ; on ne peut nier qu’il n’y puise un surcroît de consistance dont il ne laisse pas d’avoir besoin : c’est là pour nous l’essentiel. Si cette autorité extraordinaire du général Changarnier ne s’accorde pas avec le texte même de la loi de 1831, cela nous cause, en vérité, moins de peine qu’à M Barrot, et nous trouvons assez plaisant que M. Ledru-Rollin, dont les festins et les amis nous obligent à souffrir cette illégalité, s’avise ensuite de la reprocher à ceux auxquels il l’impose. Aussi M. de Maleville en a-t-il fini d’un mot avec les scrupules inconséquens du chef de la montagne. Si tant est qu’illégalité soit, nous aimons mieux l’illégalité aux mains du commandant de la garde nationale de Paris qu’entre celles des commissaires des clubs.

Appuyé sur ces baïonnettes intelligentes de notre bonne armée, le ministère peut espérer qu’il ne reverra point ces terribles crises d’où ses prédécesseurs étaient sortis ; nous aimons à le croire. Il n’est point par malheur aussi bien prémuni contre des vicissitudes plus intimes, qui ont failli le disloquer au lendemain de sa naissance, et dont nous souhaitons ardemment qu’il soit aujourd’hui ; tout-à-fait débarrassé. La constitution républicaine de 1848 et la prolongation de la constituante le mettent en présence de deux difficultés presque incorrigibles : d’une part, une assemblée dont l’empire absolu ne permet ni d’ajourner ni de balancer les actes ; — d’autre part, un président dont la prérogative reste plus ou moins flottante dans des limites que le bon sens et la courtoisie devraient cependant toujours marquer, mais, hélas ! est-on sûr de rien en ce monde que nous improvisons minute par minute ? Les hommes les plus autorisés par la grandeur de leur position seraient très mal à l’aise pour se tirer de ces écueils, tels qu’ils sont plantés d’ici à quelque temps encore sur les voies du gouvernement. Nous regarderions comme une mauvaise action de chercher à décourager ceux qui tâchent maintenant de les tourner sans s’y briser ; tous nos souhaits sont pour eux, et leur dévouement mérite de réussir : ils sentent leur parti sur la plus étroite lisière où leur parti ait encore combattu. Les vaincus de la grande élection du 10 décembre, les hommes de la veille, se tiennent tout prêts à reprendre la situation à leur compte, si nous l’abandonnions pour l’avoir trouvée trop difficile. Autant donc il en tombera dans la mêlée, autant il en faudra qui les remplacent, dussent à la fin les généraux