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porteur de la commission, est donc venu soumettre à la chambre le résultat du dépouillement des suffrages avant même que le dépouillement officiel fût complet. Il s’est extasié en termes un peu magnifiques sur la beauté du spectacle que la nation française offrait à l’Europe par ce premier usage de son absolue souveraineté. Nous n’avons pas, on le sait, une admiration aussi confiante que l’honorable rapporteur pour le jeu de nos institutions nouvelles ; nous en acceptons les effets avec plus de réflexion que d’enthousiasme, et, sans vouloir de mal à personne, nous nous réservons pourtant le bénéfice d’inventaire. Quoi qu’il en soit, M. Louis Bonaparte a prêté serment à la république entre les mains de M. Marrast, en présence de Dieu et devant le peuple français. L’histoire n’a pas beaucoup d’aventures plus surprenantes que celle qui rapproche ces deux personnes dans une pareille solennité ; mais quoi ! le public est blasé sur les coups de théâtre : l’extraordinaire est devenu son pain quotidien, et ce n’est pas l’une des défaillances les moins curieuses d’une époque où tous les sentimens sont émoussés que de n’avoir même plus d’étonnement.

Le serment prêté, M. Louis Bonaparte, parlant enfin comme président de la république, a prononcé un discours qui a été généralement approuvé. Il a eu le bon goût de rendre hommage au caractère de l’ancien chef du pouvoir exécutif ; il a particulièrement insisté, avec à-propos, sur l’œuvre de conciliation à laquelle il se croit destiné. Nous regrettons toutefois que, pour la commencer, il ait trouvé ce mot de réactionnaire, qui, dans la bouche des insulteurs de la démagogie, était l’injure habituelle dont on poursuivait des hommes qui sont aujourd’hui les plus fermes soutiens du cabinet. Nous ne pensons pas, assurément, que ce soit à ceux-là que le président ait voulu faire allusion, quand il a promis de n’être lui-même « ni réaction ni utopiste ; » mais sur qui donc alors l’épithète retombe-t-elle ? S’agirait-il par hasard de bâtir en l’air un juste-milieu de convention pour donner à ceux avec qui l’on n’est pas le soulagement d’apprendre que l’on n’est pas non plus avec d’autres ? Nous sommes animés d’intentions aussi conciliantes que personne, mais nous estimons qu’il y a des situations dans lesquelles on ne pactise pas ; nous rappelons humblement que si M. de Lamartine, si le général Cavaignac lui-même, ont perdu leur procès devant l’opinion publique, ç’a été pour ne s’être point assez catégoriquement ralliés au parti de l’ordre, qu’on nommait cependant le parti de la réaction ; ç’a été pour avoir essayé de se placer entre la réaction et l’utopie, comme a dit M. Louis Bonaparte dans son discours du 20 décembre. La société préfère trop décidément l’un de ces termes à l’autre pour souffrir volontiers qu’on affecte de prendre position à distance égale des deux. M. le président de la république eût gagné, sans aucun doute, à permettre qu’on le conseillât. La responsabilité ne pèse plus, il est vrai, sur les ministres tout seuls ; c’était là une fiction monarchique qui ne va point à la parfaite sincérité du gouvernement républicain. Soit ; mais nous maintenons jusqu’à nouvel ordre que trop gouverner pour qui préside sera toujours aussi chanceux que l’était jadis régner et gouverner à la fois.

Il nous parait d’ailleurs assez opportun de le dire : la force dont le président dispose en vertu de son office est une force malheureusement trop médiocre, pour qu’il ne cherche point à la consolider en s’adossant aux situations acquises et aux influences reconnues dans le pays. Un président en face d’une seule chambre, un président dépossédé même du droit de veto tant que durera l’as-