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vantaient ce qu’il leur en avait coûté pour se séparer ainsi des habitudes de leur enfance et des alliés de leurs mauvais jours. Ils demandaient au pays ce qu’il voulait de plus, et quelles garanties pouvaient donc le satisfaire. C’est ainsi que ce dialogue s’est prolongé entre la nation et eux pendant les six mortelles semaines qui ont précédé l’élection de la présidence. Rien n’était pénible à voir comme des hommes, dont quelques-uns étaient honnêtes et sincèrement convertis par l’expérience, dont d’autres avaient pris aux affaires cette honnêteté d’intention que donne l’ambition satisfaite, se creusant la tête de la meilleure foi du monde pour découvrir ce qui manquait à leur politique, et pourquoi la société, mise au pas et tenue comme un régiment, ne parvenait pas à reprendre confiance ni en eux ni en soi-même. Vainement chercherions-nous à le leur faire comprendre. Nous n’avons pas mis comme eux, pendant vingt ans, la liberté dans les conspirations et dans les clubs. Il est tout simple que nous ne mettions pas l’ordre public dans les corps-de-garde. Essayons cependant : le système qui vient d’être condamné avec eux n’est pas si bien mort, qu’à l’abri des institutions qu’il s’est faites, il ne se flatte de revivre. En étudiant d’ailleurs la moralité des événemens qui se sont passés sous nos yeux et le mal dont nous sommes à peine en convalescence, ce sera un moyen comme un autre d’exposer l’esprit de l’œuvre que nous entreprenons.

Comprimer le désordre dans les rues est une chose ; le prévenir dans les esprits en est une autre : l’une est le devoir d’un général, l’autre est le métier d’un gouvernement ; l’une est le coup du bras qui exécute, l’autre la pensée de la tête qui délibère. S’il arrivait par hasard que toutes les doctrines, tous les instincts d’un gouvernement ou d’un parti dominant fussent tels que le désordre fût artificiellement entretenu par eux dans les esprits, c’est vainement qu’on ne verrait dans les rues que des uniformes et des baïonnettes : le sol s’effondrerait sous les pieds des chevaux et sous le poids des canons. Brutalement étouffée dans des flots de sang, l’émeute serait cependant, pour ainsi dire, toujours à fleur de terre, et la société entière serait comme une machine saturée de vapeur dont les parois fléchissantes seraient toujours près d’éclater. Il n’est pas besoin d’aller bien loin pour en chercher des exemples. En parcourant tour à tour les différentes branches de l’administration, il est aisé de reconnaître que telle a été la situation du dernier gouvernement depuis dix mois : d’un côté, il rétablissait l’ordre ; de l’autre, il soufflait le désordre, il défaisait le lendemain ce qu’il avait fait la veille, et, dans cette œuvre de Pénélope, toutes les forces du pays dépérissaient à vue d’œil.

Regardez d’abord les finances : c’est toujours par là, depuis février, qu’il faut commencer cela est triste à dire, en effet, mais la dernière révolution a été, avant tout, pécuniaire. C’est à l’argent qu’on en vou-