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vivre assurément plus de 20,000 professeurs des deux sexes, les uns d’une manière luxueuse, les autres à force de privations. Il n’importe : si le prélèvement de 3 pour 100 a lieu, les professeurs auront à fournir environ 2 millions. En effet, suivant nos inductions, le montant des bénéfices réalisés par les personnes vouées à l’enseignement, sans même compter les professeurs des lycées et les maîtres d’écoles gratuites, n’est pas inférieur à 66 millions.

La famille des professeurs se confond avec celle des artistes, puisqu’un grand nombre de ceux-ci tirent leur principal revenu des leçons qu’on leur demande. Il n’est donné qu’aux élus du public de vivre exclusivement pour leur art et par leur art. La foule sans nom dans laquelle disparaissent parfois des hommes d’un talent réel fait deux parts de l’existence : l’une destinée à poursuivre cet idéal qui enivre l’artiste, mais qui ne l’alimente point ; l’autre sacrifiée au métier qui fait vivre. Les besoins croissant avec l’âge, le métier accessoire dévient peu à peu l’affaire essentielle. Les portraits de pacotille, l’imagerie, les illustrations de librairie, les décorations de théâtre ou d’appartemens, l’ornementation, la ciselure, les modèles d’ameublement, mille petits services honorablement payés par l’industrie, fournissent des ressources variées à 6,000 peintres, dessinateurs, sculpteurs et graveurs. Pour les architectes, au nombre d’environ 3,000, il y a peut-être en France 1,500 places où inspections dont les appointemens modiques suffisent en attendant la réputation et les entreprises lucratives. Quelques heures de fatigue et d’ennui passées le soir dans les orchestres de théâtre, de concert ou de bal, procurent le pain quotidien de plus de 12,000 musiciens exécutans. Nous ne croyons pas cependant que ces ressources ajoutent plus de 30 à 32 millions à ce que les artistes peuvent gagner en leur qualité de professeurs.

Le groupe des gens de lettres serait un des plus nombreux ; si on y comprenait tous ceux qui se sont donné le plaisir de livrer leurs pensées à l’impression. Réservons le titre de littérateurs pour ceux qui tirent de leur travail un revenu permanent. On estime que 5,000 écrivains au plus peuvent se partager 9 à 10 millions. Le journalisme contribue à ce résultat pour les deux tiers. Environ 600 auteurs dramatiques y compris les compositeurs de musique, réalisent 1,200,000 fr., en ajoutant à leurs droits sur les recettes de Paris et de la province la vente des manuscrits et celle des billets. La librairie et le gouvernement, par des rémunérations subventionnelles pour des travaux plus ou moins utiles, complètent le budget de la littérature. Ces simples chiffres font voir que la carrière des écrivains, laborieuse pour tous, est stérile pour le plus grand nombre.

Il y a bien en France 10,000 individus qui se disent acteurs et se donnent de temps en temps la satisfaction de jouer la comédie. Si le fisc se met à la recherche des artistes sérieusement, engagés et vivant de