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et le montant total de la contribution qu’ils ont acquittée à 34 millions 598,587 francs. La taxe de 3 pour 100 sur leurs bénéfices leur infligerait un nouveau sacrifice de 50 millions.


II. — La seconde catégorie de revenus imposables doit comprendre les offices ministériels, les charges judiciaires, les professions dites libérales, c’est-à-dire celles qui tirent leurs revenus, non pas de la fabrication ou de la vente d’un objet matériel, mais du travail de l’intelligence et des services qui exigent une éducation spéciale. À Paris, ces classes sont proportionnellement plus nombreuses qu’on ne l’imagine ; les familles qui les composent y sont dans la proportion d’environ 6 pour 100 ; cette proportion, qui s’affaiblit dans les autres villes à mesure que leur importance décroît, devient à peu près imperceptible parmi les populations rurales.

Le nombre des officiers ministériels en possession de charges vénales est relevé sur le tableau des cautionnemens déposés à la date du 1er janvier 1847. On comptait à cette époque 10,799 notaires, 3,497 avoués, 8,388 huissiers, 65 agens de change à Paris et 815 dans les départemens, où ils font office de courtiers ; 76 courtiers de commerce et d’assurances à Paris, 445 commissaires-priseurs, 63 avocats aux conseils. Il serait fastidieux de reproduire ici les supputations auxquelles il a fallu se livrer pour arriver à une estimation raisonnable du capital des charges et des gains qui constituent les revenus des titulaires. Le prix des offices subit par contre-coup les oscillations de l’agiotage. Quand le capital surabonde, et que l’argent honnêtement gagné cherche avec anxiété des refuges honnêtes, l’achat d’une charge devient, pour une famille enrichie, non plus l’acquisition d’un titre où d’un état, mais un simple placement de fonds. On a vu plus d’une fois, en ces derniers temps, des charges vendues à des prix tels que leur produit n’était plus que le simple rapport du capital immobilisé. Cet entraînement a eu de bien tristes résultats. Les traités de ce genre étant conclus pendant une veine de prospérité factice où le revenu des études est grossi par la multiplicité des transactions, il arrive inévitablement, à la suite de cette activité fiévreuse, une période de prostration où les affaires languissent, où le produit des études baisse, où les recouvremens sont difficiles, où le titulaire ne retrouve qu’avec peine l’intérêt de son capital. S’il est resté débiteur d’une portion du prix, où s’il n’a acheté qu’avec des ressources d’emprunt, la fatalité, étend sa main sur lui. L’aveu de sa gêne serait la ruine ; il faut qu’il avise en secret à augmenter ses ressources. Une fois sorti de cette pudeur qui est la sauvegarde de sa profession, il avancera pas à pas jusqu’à franchir les limites du devoir. Il commencera par provoquer les affaires, par traîner les procédures, par enfler les mémoires ; il mordra, comme le vulgaire, à l’amorce des gains rapides et faciles, et voudra prendre à son tour