Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêlés aux noms divins qu’invoque le suppliant ; quelquefois même des noms royaux sont seuls invoqués. Dans les inscriptions funèbres, des prières sont adressées aux dieux par l’intermédiaire ou l’intercession des rois, qui font alors un peu l’office des saints de la religion chrétienne. Quelquefois même ce sont des dieux dont l’hommage s’adresse aux rois.

Tous ces faits extraordinaires s’accordent pour montrer ce qu’était la royauté dans l’ancienne Égypte. J’aurai occasion d’examiner un jour plus en détail si l’on a eu raison de considérer une royauté qui se présente ainsi associée à la puissance divine comme subordonnée aux prêtres et leur docile instrument. J’espère prouver que, sur ce point comme au sujet des castes, le lieu commun le plus répété peut n’en être pas plus vrai pour cela, et que les monumens figurés, ainsi que les inscriptions hiéroglyphiques, nous forcent à réviser ou au moins à expliquer les assertions des écrivains de l’antiquité.

Les hiéroglyphes d’Ibsamboul étant en général d’une grande dimension, sculptés et peints avec une extrême finesse et dans le plus minutieux détail, ce lieu et très convenable pour l’étude de ces caractères. Ce qui, dans l’écriture ordinaire, semble n’offrir qu’un signe arbitraire et insignifiant, se montre ici comme un objet reconnaissable et déterminé entre le simple trait des signes usuels et les riches développemens des signes monumentaux, il y a la même différence qu’entre les mots maigres et contractés des langues dérivées et les mots amples et abondante des langues primitives. Grace à cette richesse d’exécution, on peut ici remonter par les yeux à cette étymologie de forme qui est aux hiéroglyphes ce que l’étymologie des sons est aux mots.

Une étude aussi très curieuse est celle de la couleur des hiéroglyphes. Cette couleur, sans être absolument constante, l’est cependant assez pour qu’on puisse établir quelque règle à cet égard, ce qu’on n’a point, que je sache, songé encore à faire. Ainsi j’ai remarqué que les hiéroglyphes qui représentent une partie du corps sont rouges ; tels sont les bras, les jambes, etc. En effet, la couleur des Égyptiens figurés sur les monumens est rougeâtre. Le rouge est la couleur du coeur, réceptacle du sang, organe que la préparation des momies avait fait connaître. Le rouge, couleur du feu, est attribué à tout ce qui brûle. Les parfums sont représentés rouges dans l’encensoir. Ici la couleur est un véritable hiéroglyphe. Elle caractérise l’objet comme le ferait un adjectif dans une autre langue. Parfums rouges, cela veut dire parfums brûlans.

Le noir est la couleur des hiéroglyphes qui désignent l’Égypte, la terre noire d’Égypte, qui est, en effet, très noire et mérite son ancien nom, Khemi (la noire). Si le signe des pays égyptiens est noir, tandis que celui qui accompagne les noms des pays étrangers est rouge, c’est que