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par le temps ; une autre toute blanche, vue de loin, semble la tête d’un fantôme gigantesque ; la troisième est un peu mutilée, mais il en est une parfaitement conservée, et qui, vue de profil, est d’une grande beauté, — oui, beauté. — Dans les contours de cette masse admirable, dans ce fragment de montagne taillée qui, d’un peu loin, se confond avec les autres rochers entassés autour de lui, il y a, je l’affirme, il y a de la grace.

Si la disposition du petit temple a été inspirée par une pensée commune de tendresse conjugale, autre est la pensée qui domine le grand temple d’Ibsamboul. Ici point de partage, ici l’image de Ramsès est partout reproduite ; il est assis à la porte, debout dans l’intérieur du temple ; dans le sanctuaire, il siége parmi les dieux ; les parois de la grande salle sont couvertes de peintures qui représentent ses batailles et ses triomphes[1].

Les autres salles le montrent en adoration devant les dieux. À peine si l’on retrouve ici l’image de la reine sur deux piliers de la première salle. Ses images taillées dans le roc à l’extérieur, bien que deux fois plus grandes que nature, n’atteignent pas en hauteur la moitié de la jambe de son époux. Ramsès ne l’a pas oubliée ; mais on voit qu’elle tient ici peu de place, c’est lui qui remplit tout.

Ce temple est consacré à deux grands dieux de la religion égyptienne, Ammon et Horus. À chacun des deux appartient, pour ainsi dire, un côté du temple : Ammon à la droite, et Horus la gauche[2].

Cette disposition du grand temple d’Ibsamboul, qui détermine sa destination religieuse, n’avait pas, je crois, été remarquée. Elle montre, à l’époque des anciens Pharaons, une distribution analogue à celle quoffre le temple d’Ombos, qui appartient à l’âgeé des Ptolémées. On se souvient que, dans ce dernier temple, Horus occupe la gauche, et Sevec, le dieu crocodile, la droite de l’édifice. Cette particularité, signalée comme unique à Ombos, n’est donc point une fantaisie architecturale des temps de décadence ; c’était la reproduction d’un type ancien. Ombos, sous ce rapport, n’était qu’une imitation et une contrefaçon d’Ibsamboul.

Cet art singulier, qui consiste à creuser des édifices dans le roc, à y

  1. Tantôt il est représenté sur son char, dispersant, poursuivant, foulant aux pieds ses ennemis, comme on le voit représenté sur le mur de Karnac, tantôt forçant une ville, comme à Beit-Oually. On a trouvé des sujets semblables à Nimroud.
  2. C’est ainsi que sont placées leurs statues dans le sanctuaire. Dans les deux salles qui le précèdent, la barque terminée à l’avant par la tête de bélier d’Ammon et portée solennellement par des prêtres se voit sur la paroi droite, et la barque à tête d’épervier d’Horus se voit sur la paroi gauche. Dans la grande salle, deux dédicaces se lisent sur l’architrave que soutiennent les colosses. La dédicace de droite est en l’honneur d’Ammon, celle de gauche en l’honneur d’Horus. Enfin, l’inscription en magnifiques hiéroglyphes gravée sur le rocher au-dessus des quatre colosses extérieurs contient le nom d’Ammon dans la moitié qui répond à la droite, et le nom d’Horus dans la moitié qui répond à la gauche du sanctuaire.