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1er JANVIER 1849.






C’est une époque solennelle dans les temps où nous vivons que le début d’une nouvelle année. Que d’événemens, que de douleurs emporte dans sa retraite l’année qui vient de finir ! Que d’inquiétudes apporte le flot de l’année qui s’avance ! Le 1er janvier 1848 trouvait une société florissante un calme matériel que faisait ressortir encore l’ardeur des débats politiques, un gouvernement en pleine vigueur, et des institutions libres en plein exercice. Le 1er janvier 1849 se lève sur des ruines. La fortune privée n’existe plus ; la fortune publique obérée plie sous le poids de charges qui s’amoncellent tous les jours : la faim est dans les cabanes, la faillite dans les boutiques, la gêne dans les maisons des riches. Notre forme politique nouvelle est un chaos, et nous ne savons d’où doit venir le souffle qui va se mouvoir à sa surface. Un contraste si affligeant ferait tomber la plume des mains, s’il était permis de désespérer de son pays, et si d’ailleurs les faits matériels et visibles donnaient la seule mesure de l’état moral d’une société ; mais, sous un autre point de vue, peut-être peut-on trouver de quoi reprendre courage. Au milieu de la prospérité de l’année dernière, et un peu par l’effet de ce bonheur même, la France se sentait confusément atteinte d’un malaise d’autant plus dangereux qu’elle en ignorait les causes. L’anxiété générale de l’opinion, je ne sais quel dégoût du bon sens et quelle lassitude du bien-être, cette ardeur, étrange de toute une société, au fond unie et paisible, à se diviser, pour des motifs frivoles, en deux camps irréconciliables, cet empressement crédule à se calomnier