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n’a rien d’humiliant, et ne le condamne point à une infériorité perpétuelle. Dans les pays musulmans, il est assez fréquent de commencer par être esclave pour devenir ministre. C’est quelquefois le contraire dans les pays chrétiens.

Malgré cette bénignité de l’esclavage, oriental, ce n’en est pas moins une œuvre pie pour un musulman d’affranchir un esclave. Soliman témoignait un grand mépris pour le trafic de ces marchands, et me disait que ceux qui s’y livrent se croient obligés de s’en racheter par des aumônes. D’ailleurs, on ne doit pas oublier que, si la condition de l’esclave est supportable dans la maison de son maître, il faut, pour y arriver, qu’il soit arraché à sa famille, à sa patrie, et subisse souvent de la part de ses ravisseurs les plus affreux traitemens. Il faut lire les récits de chasse aux nègres[1] qu’a donnés M. Léon de Laborde. Après avoir connu ces horreurs, on désirera, sans l’espérer, de voir le pacha d’Égypte suivre l’exemple donné par le bey de Tunis, le premier abolitioniste musulman.


Ibsamboul.

Nous approchons enfin d’Ibsamboul. Ses temples souterrains sont la merveille de la Nubie, ainsi que les palais et les tombeaux, de Thèbes sont la merveille de l’Égypte. On voit d’abord les têtes des colosses sortir du sable comme des rochers : l’une d’elles, aperçue du fleuve, me semble la statue entière d’un géant mutilé. Un vent impétueux comme notre désir nous pousse. Les colosses se dessinent, grandissent. Avant d’arriver aux temples, une figure assise dans une niche nous apparaît tout à coup comme un personnage vivant qui habiterait l’intérieur de la montagne et nous regarderait passer. Enfin, nous nous arrêtons dans le lieu singulier où nous attendaient ces monumens extraordinaires. Deux rochers d’une grande hauteur plongent dans le Nil leurs parois à pic ; entre eux est un champ de sable incliné vers le fleuve. C’est dans ces rochers qu’ont été creusés les deux temples ou grottes magnifiques d’Ibsamboul. Dans le premier rocher qu’on rencontre est taillé ce qu’on appelle le petit temple ; des deux côtés de la porte, on a sculpté dans le roc six colosses debout, effigies du grand Ramsès et de sa femme, la reine Nofreari. Ce sont des enfans en comparaison des colosses du grand temple, et cependant le pied de la reine, je lui en demande pardon, est égal à cinq des miens.

Pendant plusieurs jours, je vais habiter dans le sein de la montagne

  1. Le journal de la Société géographique de France annonçait pour le mois de septembre 1845 une grande expédition de ce genre composée de 6,000 hommes et accompagnée d’un médecin européen. À ce sujet, un abolitioniste s’écriait avec une bien juste indignation : « Est-ce pour cela que le pacha d’Égypte vient de recevoir le grand cordon de la Légion d’Honneur ? »