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affranchit en Suisse les annexes des grands cantons. Voilà une métamorphose de plus qui commence dans cette Europe déjà renouvelée par tant de métamorphoses ; voilà une forme de plus dans le nombre des établissemens politiques, un empire fédératif, des diètes particulières qui vont se fondre chaque année dans une diète générale composée de deux chambres, un système enfin très compliqué sans doute, mais qui seul peut sauver l’empire d’Autriche, parce qu’après tout il le transforme selon les lois d’unité, hors desquelles il n’y a plus d’état possible dans le monde moderne.

L’oeuvre de la Prusse n’est pas si épineuse, mais l’esprit prussien l’est beaucoup. Les chambres sont ouvertes depuis le 28 février. L’opposition, qui, pour l’instant, est en minorité, ne peut manquer de s’accroître à la suite des élections complémentaires ; celles de Berlin ont tourné tout-à-fait en sa faveur, grace à la violence impolitique avec laquelle le général Wrangel a expulsé récemment de la capitale un ancien membre de la gauche, M. Rodbertus, avant qu’il fût proclamé député. Les partis ont déjà leurs plans de défense ou d’attaque. La droite a signé une déclaration par laquelle la constitution du 5 décembre est reconnue comme fondement légal du droit public. L’opposition veut au contraire exprimer ses réserves, et il y a par-delà l’opposition un noyau de très extrême gauche ; il y a des ultra-démocrates qui cherchent et qui obtiendront petit à petit la formation d’un parti révolutionnaire. M. Waldek et M. Behrends en sont d’avance les chefs désignés. Il se rencontre ainsi plus d’une pierre d’achoppement, sur cette voie parlementaire où la Prusse a tant de peine à marcher, et les hommes politiques que lui a légués la diète de 1847 seront peut-être aussi embarrassés d’écarter ces obstacles qu’ils l’ont été en 1848.

L’Angleterre, la Hollande, la Belgique, se jouent, au contraire, fort à l’aise dans ce mécanisme constitutionnel dont elles ont le goût et l’intelligence. L’Angleterre est maintenant préoccupée des désastres qui viennent de frapper son armée des Indes. Sir Charles Napier, le vétéran du Scinde, a été nommé pour remplacer lord Gough, qui a payé si cher la victoire incertaine de Jhelum. Cette triste catastrophe a montré par surcroît que M. Cobden se pressait trop, quand il voulait ramener le budget britannique aux chiffres de 1835 : c’est toujours une tentative compromettante d’établir et de borner les recettes avant de tenir compte des dépenses obligées. Telle est l’objection générale que nous ferions aussi à une excellente brochure de M. Van Vliet, qui a paru à La Haye, et où l’on trouve un exposé très clair du budget hollandais, dont l’auteur demande la révision d’après des principes analogues à ceux de M. Cobden. M. Cobden a vu sa motion repoussée par 275 voix contre 78. Le plus difficile dans la politique actuelle, c’est qu’il y a partout beaucoup de choses à réformer, et qu’il ne faut cependant rien réformer qu’à propos, sous peine de faire pire.


Le Communisme jugé par l’histoire, par M. Franck, de l’Institut[1]. — Quoi que le communisme soit en retraite, un mot encore sur ce détestable système. De temps en temps, au milieu des nombreuses publications qui sont destinées

  1. Un volume in-18, chez Joubert, rue des Grés.