Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de l’idée royale chez les Égyptiens, identité qui ne se traduisit jamais d’une manière plus frappante que par la représentation du Pharaon Ramsès, tour à tour assis parmi les dieux et combattant parmi les hommes, enfin comme roi s’adorant comme dieu.


Ibrim.

Notre ascension dans les grottes d’Ibrim a été singulière. Ces grottes sont taillées dans le roc à quelques mètres au-dessus du Nil. Les eaux étant basses, les grottes se trouvaient plus élevées. On n’y arrive que par des échelles appliquées contre le rocher. De jour, rien n’est plus facile ; mais, n’ayant pu atteindre Ibrim qu’à la nuit et impatiens de visiter les grottes, nous fîmes notre ascension à dix heures du soir et notre visite aux flambeaux. Ces quatre grottes, ouvertes dans le rocher comme des tiroirs, sont, les unes du temps des Aménophis, les autres du temps des Ramsès. On y voit représentés, ou les offrandes faites aux dieux par le Pharaon, ou les hommages adressés à celui-ci par des princes nubiens ses vassaux.

Ibrim fut la limite où s’arrêtaient les populations nubiennes vers le nord, et que ne dépassèrent pas les dominateurs grecs et romains. Plus bas, entre Ibrim et la frontière d’Égypte, le pays fut envahi et ravagé par les Blemmies. Au Ve siècle, un roi chrétien d’Abyssinie, Silco, vint les combattre, ainsi que le prouve une longue et curieuse inscription grecque, dans laquelle ce roi célèbre ses conquêtes dans un style pompeux, dont quelques formules semblent empruntées aux anciens Pharaons. Sur la hauteur sont les ruines de la ville moderne d’Ibrim, détruite en 1810 par les mamelouks qui se retiraient à Dongola, après le massacre du Caire. Nous avons erré parmi les débris de cette ville, où se montrent quelques vestiges du culte chrétien. La place d’une église est indiquée par des chapiteaux renversés et ornés d’une croix.

Pendant que nous parcourions ces ruinés de différens âges, le ciel s’est couvert d’un voile grisâtre. On eût dit un effet de brume, mais les brumes, dans ce pays, sont des brumes de sable. Une teinte blanchâtre s’est répandue sur le désert qui était à nos pieds et sur les eaux ternes du Nil. En même temps, un vent violent s’était élevé. C’était le souffle étouffant du chamsin. Le ciel est resté gris et poudreux pendant plusieurs jours. La nuit, nous avons eu une véritable tempête. Le Nil secouait notre barque avec tant de violence, que plusieurs fois nous avons cru qu’elle allait se briser contre le rivage. Le matin, la violence des secousses l’avait à demi enfouie dans le sable. Il a fallu d’assez longs efforts pour la remettre à flot.


Korosko.

Le Nil fait, en cet endroit, un tel détour, il revient si complètement sur lui-même, qu’en arrivant ici nous avions le soleil couchant à notre