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vier 1848. Ce mouvement auquel l’Angleterre a pris une part officieuse et intéressée, a bientôt cependant épuisé lui-même les forces vives de la Sicile ; il a été contrarié par l’état moral d’un peuple ou la campagne ne saurait long-temps faire cause commune avec les villes, où les villes se jalousent réciproquement, comme Messine et Palerme ; il a été exagéré par les meneurs, qui se sont bientôt substitués aux patriotes respectables. Tout eût fini dans le mois de septembre sans l’intervention à peu près spontanée des amiraux anglais et français après la prise de Messine par le général Filangieri. Depuis lors le statu quo s’est prolongé au milieu des alternatives d’une négociation qui traînait encore, lorsque la dernière explosion de l’Italie du milieu a contraint les puissances d’aller plus vite en besogne. Le statu quo a mis le comble aux maux de la Sicile, il l’a livrée à tous les désordres d’une situation politique mal définie, il a ruiné son commerce, qui n’est guère qu’un cabotage, en interdisant à ses matelots l’approche des côtes de Naples ; il a paralysé les troupes napolitaines jusqu’à ce jour, où l’on en sent enfin le besoin pour agir sur l’Italie elle-même. Il était bien temps de sortir d’une indécision si fâcheuse. L’amiral Baudin et l’amiral Parker, M. Temple et M. de Rayneval, se sont rendus auprès du roi Ferdinand le 25 février, pour combiner avec lui un ultimatum définitif.

La négociation était devenue difficile à cause de l’insistance avec laquelle le général Filangieri défendait les droits de la royauté napolitaine ; les médiateurs voulaient excepter Palerme du nombre des places qui seront désormais occupées par les troupes royales ; le général déclara qu’il donnerait plutôt l’ordre de commencer tout de suite les hostilités. Cet ultimatum, tel que nous le connaissons en substance, nous paraît de nature à calmer les griefs légitimes, à satisfaire les susceptibilités fondées, et cela sans rompre l’union des deux pays, ce qui n’arriverait qu’au profit exclusif de l’Angleterre. Le roi est roi des Deux-Siciles, représenté dans l’île par un lieutenant qui doit être un prince de sa maison ou un Sicilien. Il n’y a pour les deux pays qu’une seule armée, une seule flotte, une seule administration des affaires étrangères : la Sicile paie 4 millions de contributions arriérées, et 1 million comme contribution de guerre ; mais, en revanche, elle aura son parlement séparé, ses finances à elle, ses municipalités, ses tribunaux indépendans, toute sa constitution de 1812 modifiée suivant les exigences modernes ; enfin l’on proclamera une amnistie générale. Les amiraux ont porté ces conditions à Palerme ; si elles sont acceptées par le gouvernement provisoire, ils s’en déclareront les garans ; si elles sont refusées, ils ont promis, sur la demande expresse du général Filangieri, de retirer leurs flottes, dont la présence est un encouragement ou une promesse de refuge pour les révoltés. On assure qu’abandonné à ses propres ressources, le gouvernement palermitain n’est pas capable de résistance ; mais, d’un autre côté, il y a maintenant pour son compte, à Malte, deux forts steamers anglais, montés par des équipages anglais, contre lesquels les petits bateaux napolitains ne se risqueraient pas impunément. Si l’on ne s’est pas pris à temps pour les empêcher de partir, il y a beaucoup à craindre que l’arrivée de ces redoutables auxiliaires ne rallume chez les Palermitains une vaine passion de résistance.

Au nord, au midi de l’Allemagne, comme au nord, comme au midi de l’Italie, c’est toujours la guerre, la guerre imminente ou la guerre en train. Hâtons-nous