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litique qui a déjà coûté si cher en 1848. Avec la première conduite, il n’était pas impossible que le Piémont, en sachant traiter de ses propres affaires, obtînt le riche pays de Parme comme dédommagement de ses ambitions trompées : c’était dit-on le plan de l’Angleterre. Avec la seconde, en mêlant tous les intérêts, en se laissant porter, en guise de champion banal, par tous les partis italiens qu’il n’est pas même certain de rallier, le Piémont s’oblige à vaincre ou à périr pour le compte de toute l’Italie. L’engagement est héroïque mais l’Italie ne s’engage pas, de son côté, à lui fournir des héros. C’est en vue de cette transformation de la question austro-sarde, devenue purement et simplement une question italienne, que les grandes puissances semblent modifier aussi leur action diplomatique. D’après la note autrichienne du 17 janvier, le cabinet français serait assez disposé à substituer au projet primitif d’une médiation particulière à la Sardaigne le projet d’un congrès général, où les puissances signataires des traités de Vienne aviseraient en commun au meilleur arrangement de toutes les affaires italiennes. M. de Schwarzenberg ne demanderait pas mieux que de donner des suites sérieuses à une pareille entreprise ; il ne cache pas qu’il en espère la confirmation plus ou moins complète des traités de 1815. Ce serait précisément le point à discuter, mais la discussion resterait du moins entre des esprits raisonnables, et ne dépendrait plus des tribuns de la jeune Italie.

Tel est aussi le sens d’une autre note du cabinet de Vienne adressée le même jour, 17 janvier, à son représentant en France, et qui se rapporte spécialement à la situation de l’Italie centrale. Cette situation ne peut durer. Il y a des territoires qui appartiennent, pour ainsi dire, à l’Europe presque autant qu’aux populations qui les habitent ; l’intérêt européen soumet ces pays à de certaines lois qui tournent, en somme, à leur avantage, mais qui, en revanche, leur sont assignées d’office sans qu’ils soient libres de s’y refuser. C’est assurément un avantage pour la Suisse d’être un pays neutre, mais elle repousserait cette neutralité que l’Europe entière s’entendrait pour l’y réduire, parce que l’Europe entière en a besoin. C’est la papauté qui a créé la Rome moderne en y instituant un grand centre européen ; mais Rome, d’autre part, ne peut plus secouer la souveraineté du pape sans léser à l’Europe. Tant que la religion catholique occupera une place considérable dans les relations internationales de tous les peuples il ne se pourra point que son chef spirituel soit abandonné aux caprices révolutionnaires du petit état dont il est le souverain temporel. La république italienne, en s’asseyant à Rome sur la chaire pontificale, a donc jeté le défi le plus audacieux qu’elle pût lancer dans le monde ; ce n’est pas sa fusion avec la république toscane qui lui donnera la force de soutenir une pareille gageure. « Nous sommes maintenant cinq millions d’hommes ! s’écrient victorieusement les mazzinistes ; » mais, tandis que ces cinq millions devraient fournir au moins soixante mille soldats, à peine la Romagne en compte-t-elle quinze mille, et la Toscane six. À Florence, M. d’Ayala avait organisé une petite armée dans la dernière période du gouvernement grand-ducal ; M. Guerrazzi, à qui cette armée était suspecte, s’est hâté de la dissoudre pour appeler des volontaires qui ont manqué presque tous à l’appel. Les volontaires romains devant lesquels les Autrichiens avaient, s’il faut en croire les journaux mazzinistes, évacué Ferrare au plus vite, n’ont pourtant pas encore quitté le Tibre, et les Autrichiens sont rentrés fort