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raître est à la fois conciliant et précis ; il ménage toutes les situations, mais il les subordonne toutes à l’intérêt suprême du salut commun. La province aura, pour se guider dans ses choix, l’exemple d’une entente sérieuse entre les représentans éminens de tous les partis. Espérons qu’elle saura l’imiter.

Les difficultés semblent ainsi s’amoindrir au sein du pays ; elles persistent et s’amassent au dehors. Jamais peut-être, à aucune époque, la situation extérieure ne fut aussi tendue qu’elle l’est à présent ; jamais il n’y eut plus de questions pendantes en Europe et de questions plus critiques. On peut néanmoins tenir pour certain que les grands gouvernemens ne sont point en goût de fantaisies guerrières. Si l’on excepte la Russie, dont on ne sait ordinairement qu’après coup et les desseins et les ressources, il n’est point d’état qui ait avantage à chercher une conflagration générale ; mais il y a malheureusement en jeu des prétentions inconciliables, des exigences qui se heurtent de front et se serrent de si près, qu’il sera bien difficile d’éviter ou même d’ajourner la lutte. On s’est presque partout engagé si vivement de prime-abord, que, de part et d’autre, on ne voit plus moyen de se retirer sans combat ou sans honte. De part et d’autre aussi, en plus d’un endroit, tous les titres invoqués, tous les griefs soulevés, ont d’assez justes fondemens ou des apparences assez spécieuses pour mettre des deux côtés à la fois le sentiment d’une bonne cause. Il est seulement à déplorer que les résistances plus ou moins légitimes qui ont rompu en visière avec les pouvoirs établis se soient produites dans les circonstances révolutionnaires de l’année 1848. Toutes choses ont ainsi été portées à l’extrême et sont tombées aux mains violentes ; les opinions exagérées les passions, les passions radicales ont accaparé la conduite des événemens et compromis les droits les plus respectables, en prétendant les abriter sous leur drapeau comme leur bien particulier. Elles ont de la sorte justifié la répression qui, en les menaçant ou en les refoulant, atteint pourtant avec elles les intérêts sérieux, les intérêts nationaux, qu’elles avaient trop servis pour leur propre compte.

C’est ici surtout l’Italie que nous avons en vue, et, quelles que soient les tentatives pacifiques de la diplomatie, nous craignons fort qu’il ne faille en arriver bientôt à des voies plus expéditives. Il y a, pour l’instant, dans cet éternel champ-clos de l’Europe, trois foyers où la guerre s’allume : le Piémont, la Toscane, qui mêle maintenant ses destinées celles de Rome ; la Sicile, qui veut absolument séparer les siennes de celles de Naples. À ces trois foyers correspond une triple série de négociations : entre le Piémont et l’Autriche, la médiation anglo-française, qui, naguère ouverte à Bruxelles, doit évidemment se transformer sous peine de n’aboutir à rien ; vis-à-vis des républiques insurrectionnelles de Rome et de Florence, le projet d’intervention formulé par la note autrichienne du 17 janvier, appuyée par la note plus récente du cardinal Antonelli ; enfin, entre la Sicile et Naples, la transaction proposée par les plénipotentiaires et les amiraux anglais et français, décidément agréée par le roi, sans qu’on puisse encore affirmer qu’elle aura le même succès à Palerme. Tâchons de résumer dans leur dernier état les points si divers d’une situation si complexe, et voyons partout où en est la guerre, où en est la paix.

Les nouvelles que nous recevons aujourd’hui du Piémont annoncent l’approche, de plus en plus imminente, d’autres disent le commencement des hostilités. Le cabinet sarde vient encore d’être modifié : à la place de M. de