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mêmes reconnu le néant, sans rien nier de leur passé, sans rien abandonner de leurs convictions, prenant le monde entier à témoin des motifs de leur union, se concertent pour convenir d’une conduite commune, là est le crime, là est le scandale et l’abomination ! Un pareil concert peut-il être autre chose qu’une flagrante conspiration ? Quoi donc ! être traités de conspirateurs par les partisans passionnés du régime nouveau, est-ce injure ou faveur ? À ceux qui comptent leurs complots passés pour années de service, et pour faits d’armes les anciennes émeutes, que répondre ? Au risque de faire déchoir les membres du comité central dans l’opinion des fortes têtes qui ont, entre deux parties de billard, ourdi jadis tant de belles trames, nous confessons que nous tenons ces vétérans de la politique modérée pour très peu experts en matière de conspirations et très peu portés à s’y commettre. Il est vrai, ils n’avaient pas deviné les temps. La république les a pris au dépourvu ; elle les a saisis comme le mort saisit le vif. Si la donation eût été faite sous bénéfice d’inventaire, franchement, ils ne l’eussent point acceptée, tant ils craignent les mauvais comptes. La république proclamée, ils ont tâché de s’en accommoder de leur mieux ; il n’a pas même tenu à eux qu’elle ne fît dans le monde meilleure figure. Plus que ceux qui pouvaient revendiquer sur elle leurs droits d’auteur, ils ont fait effort pour corriger chez elle les imperfections d’une venue trop hâtive. Le plus grand nombre d’entre eux n’ont jamais regardé la forme républicaine comme un type idéal de gouvernement. Parmi ceux qui n’auraient eu aucune objection à l’institution elle-même, beaucoup ont toujours été persuadés que, pour des motifs particuliers à notre pays, soit à cause de l’étendue de son territoire, de sa position géographique au milieu des autres peuples du continent, soit à cause de ses traditions, des mœurs de ses habitans et des expériences déjà tentées, chez nous plus qu’ailleurs, l’application des principes républicains était difficile. Plusieurs d’entre eux gardent encore et leurs opinions et leurs doutes ; mais de là conclure que ces mêmes hommes travaillent d’une façon préméditée à la destruction de l’ordre de choses qui fonctionne aujourd’hui, c’est une pensée qui pourrait passer pour singulière et offensante, si elle ne venait trop naturellement à ceux qui, le matin du 24 février, ont mis le mot réforme sur leur drapeau, et y substituaient le soir le nom de la république. Pour nous, nous sommes persuadés qu’avec une bonne foi d’autant plus méritoire qu’elle a été plus rare, et qu’ils n’en ont certes point reçu l’exemple, les chefs de l’opinion modérée chercheront à faire jouer régulièrement la machine informe, compliquée, dont les premiers mouvemens ont failli amener de si dangereux tiraillemens. Ce n’est pas eux, nous osons le promettre, qui sortiront les premiers de cette légalité telle quelle ; et pourquoi donc en sortiraient-ils ? Est-ce que, par une modestie qui les honore, les auteurs de notre dernière