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avec le gouvernement et les états sur les moyens propres à réaliser sans délai l’opération.

La révolution du mois de mars a tranché le nœud gordien. Les dîmes ont été purement et simplement abolies, et la propriété des terres urbariales attribuée aux paysans actuellement détenteurs ; les biens du clergé qu’on dépouillerait plus tard devait fournir les fonds d’une future indemnité. En attendant, les propriétaires ont été dépossédés, et les paysans, affranchis maintenant des anciennes charges, sont appelés à créer bientôt une nouvelle classe dans la société hongroise, un élément mixte entre la bourgeoisie des villes et les paysans, leurs anciens compagnons, restés prolétaires. Cette situation est nouvelle et doit exercer sur l’avenir du pays une influence dont il est aussi impossible de prévoir que de contester la portée. On comprend seulement quelle perturbation a été apportée par de tels changemens dans toutes les relations et dans l’existence de chacun. Les paysans possessionnés, affranchis des dîmes, sont sans doute satisfaits : c’est une de ces concessions irrévocables, quel que soit le pouvoir dont elles émanent ; mais ceux qui sont restés prolétaires voient avec envie les nouvelles fortunes de leurs égaux. Les anciens propriétaires sont ruinés ; le clergé s’attend à l’être au premier jour ; tout n’est que confusion et injustice. Voilà ce que le révolutionnaire Kossuth a fait des plans du réformateur Széchény. Je ne parle ni du papier-monnaie, ni des assassinats, ni de la guerre civile, ni des dures conditions que le gouvernement autrichien, rentrant en vainqueur à Pesth, voudra peut-être imposer à la Hongrie, au lieu des concessions dont il prenait l’initiative généreuse à la diète de 1847.


IV – LA PROPRIETE

A un certain point de vue, il y avait de la part du gouvernement plus de générosité encore que de la part des états à proposer l’abolition du système de propriété tel qu’il avait régné jusqu’alors en Hongrie. Dans l’état des esprits, les nobles hongrois avaient tout à gagner, l’événement l’a prouvé, à remplacer par une indemnité pécuniaire les avantages précaires et incertains qu’ils retiraient des dîmes seigneuriales ; c’était échanger une sorte de droit d’usage contre une propriété réelle. Ils faisaient le même profit que l’héritier d’une terre grevée de substitution entre les mains duquel la loi abolirait la substitution. La couronne, au contraire, qui était en définitive le dernier substitué, perdait d’un seul coup toutes les chances de retour. Expliquons avec plus de précision la double situation du gouvernement et des propriétaires.

La propriété jusqu’à nos jours a été régie en Hongrie par des lois