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ne peut et ne doit relever que de la couronne danoise. Le parlement de Francfort s’emportait enfin avec la même violence contre la situation faite au Lauenbourg, entraîné de force dans le mouvement germanique du Holstein. Le Danemark avait le droit de demander que ce duché, suivant son propre vœu, fût mis hors de cause, et néanmoins l’assemblée allemande n’était pas satisfaite de le voir placé sous le régime d’un gouvernement mixte dans lequel la Prusse avait sa part d’influence. Il fallait donc mettre promptement obstacle à l’exécution de l’armistice ; il fallait recommencer la guerre, violer la foi jurée par la Prusse, sous prétexte que cette puissance était sortie du cercle de ses instructions.

Le désaveu était cette fois trop éclatant ; la Prusse ne pouvait pas l’accepter sous peine de paraître abdiquer toute son indépendance diplomatique dans les mains du parlement de Saint-Paul. Après l’élan d’enthousiasme auquel l’assemblée de Francfort avait trop facilement cédé dans un moment d’exaltation plus que patriotique, la prudence est venue donner d’autres conseils. L’unité germanique semblait compromise par ses propres entraînemens ; de graves difficultés allaient surgir peut-être au sein de la confédération sous les yeux de l’Europe railleuse et prête à se montrer hostile. Le parlement s’est déjugé fort à propos. L’armistice est ratifié, et les négociations vont s’ouvrir pour une paix définitive.

Quelles en seront les bases ? Les diplomates allemands resteront-ils dans le cercle des primitives prétentions des docteurs en droit féodal qui ont fourni des prétextes à l’insurrection et à la guerre ? Persisteront-ils à s’appuyer sur ces chartes du XVe siècle, d’où les érudits ont tiré, non sans recourir aux interprétations complaisantes et suspectes, les propositions du gouvernement révolutionnaire des duchés ? Peut-on admettre que la diplomatie de l’Allemagne nouvelle, de l’Allemagne quasi-libérale et quasi-unitaire, ose produire dans un congrès de pareils argumens, empruntés à une semblable époque ? Non, il faudra que le débat soit enfin placé sur son véritable terrain, c’est-à-dire sur le terrain du droit moderne, de celui qui, en l’absence d’un droit plus parfait, pressenti, mais non défini encore, domine et règle les rapports internationaux des états constitués et reconnus par l’opinion européenne. C’est à ce droit-là et au bon sens pratique qu’il convient d’en appeler, en laissant bien et dûment de côté cette thèse de jurisprudence féodale au nom de laquelle l’Allemagne s’est armée.

Or, quelle est la lettre et quel est l’esprit des traités encore aujourd’hui en vigueur entre le Danemark, la confédération germanique et l’Europe ? Non-seulement le Schleswig est de toute antiquité danois et peuplé en majorité de Danois, non-seulement ce duché est le boulevard du Danemark et le seul appui de son existence du côté de l’Allemagne, mais des conventions spéciales sont venues corroborer ces droits de la