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austro-turque, la première jusqu’à la Theiss au cœur de la Hongrie, la seconde le long de la Drave jusqu’au Tyrol. L’idée de nationalité ayant pris l’idée de race et de langue pour base, les intérêts, les passions d’une fraction de chaque peuple sont les intérêts et les passions de l’autre fraction de ce peuple. Les Moldo-Valaques des principautés applaudissaient vers les commencemens de ce siècle aux premiers efforts du roumanisme élaboré dans les écoles de la docte Transylvanie. Un peu plus tard, en 1821, les Transylvains tressaillaient d’une ardeur fraternelle à la vue de cette insurrection nationale par laquelle Théodore Vladimiresco chassait des principautés les Fanariotes, les plus redoutables ennemis du peuple roumain. Récemment une révolution nouvelle, heureuse d’abord, ensuite comprimée, a fait succéder à de brillantes espérances un surcroît de malheurs ; les baïonnettes russes sont venues réprimer un premier essai de démocratie à Bucharest ; les Transylvains se sont associés complaisamment à ces ambitions, à ces revers.

Ainsi en est-il pour les Illyriens de tribu à tribu. Ceux de la Servie ont devancé tous les autres dans les tentatives armées dès le temps de George-le-Noir ; mais, dès ce même temps, les Croates, réunis en partie à l’empire français sous le nom de provinces illyriennes, ressentaient une vive sympathie pour les succès héroïques des Serbes, et les uns et les autres avaient les yeux fixés sur Napoléon, que leurs poètes appelaient, en 1811, le régénérateur de l’Illyrie. La propagande littéraire de la Croatie est venue depuis resserrer ce lien des cœurs, cette communauté des espérances ; les Serbes, au milieu des derniers événemens de l’Autriche, n’ont laissé échapper aucune occasion de donner aux Croates les preuves d’une touchante réciprocité de sentimens, et aujourd’hui rien ne se peut plus passer de fâcheux ou d’heureux d’un côté de la Save, sans retentir tristement ou joyeusement de l’autre. Le sort et l’action des peuples de la Turquie sont donc étroitement liés au sort et à l’action des peuples de l’Autriche, comme la politique des deux gouvernemens eux-mêmes.

Bien que les Roumains et les Illyriens appartiennent à deux races essentiellement distinctes, ils suivent, en Turquie, à l’égard du sultan, une même politique, et, par une rencontre de circonstances bien digne de remarque, cette politique est exactement semblable à celle des Illyriens et des Roumains de l’Autriche à l’égard de l’empereur. Ce n’est pas le sultan qui est considéré comme le premier ennemi de la nationalité ; ce n’est pas même contre la race ottomane que les haines des populations vassales ou sujettes sont principalement dirigées. Au lieu de menacer en ce moment le pouvoir central et la race dans le sein de laquelle il se recrute et se concentre encore, on invoque leur appui à charge de revanche : on leur tend même par instans les bras, sauf à