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le 30 août, et celle que M. le comte Walewski m’a adressée à la même date. Le gouvernement du roi a appris avec une vive satisfaction le succès de vos efforts pour amener Méhémet-Ali à comprendre enfin ce que les circonstances exigent de lui. Les conditions qu’il s’est décidé à accepter, l’Égypte héréditaire et la Syrie viagère, moyennant sa rétrocession à la Porte de Candie, d’Adana et des villes saintes, sont celles que nous avons toujours considérées comme devant constituer la base essentielle d’un arrangement satisfaisant et honorable pour les deux parties intéressées. L’hérédité, même restreinte à la seule Égypte, tirerait le vice-roi du rang de simple fonctionnaire, pour faire de lui un prince de l’empire ottoman. La conservation viagère de la Syrie le laisserait en possession de la partie vraiment utile de sa conquête, de celle qui est pour lui un véritable élément de grandeur et de puissance… »


Pendant que la France avait décidé le vice-roi à accepter l’Égypte héréditaire et la Syrie viagère, l’Autriche obtenait de ses alliés qu’ils consentissent à lui concéder l’Égypte héréditaire et le pachalick de Saint-Jean-d’Acre viager. Ainsi, pour la simple différence entre deux propositions aussi voisines, afin de rendre de si minces possessions an souverain qui n’avait jamais su les gouverner, qui les livra de nouveau à l’anarchie après les avoir recouvrées, les puissances compromirent sciemment la paix du monde. L’objet du dissentiment était, à vrai dire, moins grand que les passions qu’il mettait en jeu. Pour que ces passions obtinssent leur satisfaction, un arrangement conforme au but apparent du traité ne suffisait pas. Ne fallait-il pas qu’il fût imposé de vive force au pacha ? ne fallait-il pas avant tout un échec et une humiliation pour la France ?

Le ressentiment que causa à Paris l’annonce des mesures coërcitives adoptées par les cours étrangères fut légitime ; seulement l’expression en fut violente et excessive. Si les organes de l’opinion publique se fussent bornés à appuyer chaudement la politique du gouvernement français, à faire ressortir le contraste des conduites tenues des deux parts : celle de nos adversaires, si douteuse au début, si souterraine, puis tout à coup si arrogante ; la nôtre, la même d’un bout à l’autre des négociations, demeurant calme encore et conciliante après un procédé qu’à bon droit nous pouvions trouver mauvais, il est à croire que pareille polémique eût produit quelque effet en Europe, surtout en Angleterre. Il y avait là une situation que nous n’avions pas recherchée, qu’on nous avait faite malgré nous, mais qu’après tout nous étions en état de supporter, à la condition de l’envisager sans faiblesse comme sans présomption. Pour nous en tirer avec honneur, plus tard peut-être avec profit, il aurait fallu s’appliquer à calmer le pays et non pas l’exciter. Malheureusement les journaux de toutes nuances, ceux-là même qui, à tort ou à raison, passaient pour puiser leurs inspirations non loin du pouvoir, préférèrent un tout autre rôle. Si, par