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maître ; sa marche amenait fatalement la crise, qui a éclaté sous le ministère du ter mars, comme elle eût éclaté sous toute autre administration. Les adversaires de ce cabinet, qui ont blâmé l’attitude et les résolutions prises après le traité du 15 juillet, n’ont jamais songé à lui reprocher la conduite suivie jusqu’à l’époque où cette convention fut définitivement signée entre les puissances. C’est justice de reconnaître que, loin de chercher à envenimer les dissentimens existans et à précipiter le dénoûment, le ministre français, aussitôt arrivé aux affaires, s’appliqua à traîner les choses en longueur. Il insista pour qu’un envoyé de la Porte fût admis aux conférences de Londres, et profita du répit qui lui était ainsi laissé pour tâcher d’agir sur le vice-roi d’Égypte. Ce sont ces tentatives, faites auprès du vassal pour lui prêcher la soumission à son souverain, qui donnèrent lieu aux récriminations du ministre anglais. Il en prit occasion pour adresser au gouvernement français un reproche d’une espèce toute nouvelle, celui d’avoir voulu traîtreusement ménager un arrangement direct entre les parties qu’il s’agissait précisément de mettre d’accord. Pourquoi le cabinet français n’aurait-il pas eu ce droit, et quelle raison auraient eue les autres puissances de trouver mauvais que nous eussions essayé de faire seuls ce qu’elles se proposaient de faire en commun ? Où aurait été le mal, si nous avions réussi ? Mais M. Thiers n’était même pas coupable de ce singulier méfait. Lord Palmerston l’a dit, mais il ne l’a jamais établi ; la correspondance de l’agent français dont la mission avait donné lieu à cette supposition a prouvé au contraire qu’elle n’était pas fondée. Laissons là ces subtilités, qui ne furent jamais sérieusement avancées et qui ne méritent pas une sérieuse réflexion.

La convention du 15 juillet tirait surtout son importance de ce qu’elle était faite sans l’adhésion de la France et en réalité contre la France. La forme ici l’emportait sur le fond, et la forme fut blessante encore plus que le fond. L’empressement avec lequel le ministre anglais saisit l’occasion de quelques troubles survenus en Syrie pour arracher l’adhésion de ses alliés, le soin qu’il prit de nous tenir à l’écart des dernières délibérations qui précédèrent l’apposition des signatures, ne témoignèrent que trop combien celui qui avait préparé de longue main toute cette affaire avait hâte d’en finir, de peur que le fruit de ses menées ne lui fût, au dernier moment, ravi par une soudaine transaction. Dans une circulaire adressée à ses agens à l’étranger, le cabinet français s’exprimait ainsi sur le manque d’égards dont on avait usé envers lui : « Ce que les procédés obligés avec une cour alliée exigeaient, c’est que l’Angleterre, avant de conclure, fît une dernière démarche auprès de l’ambassadeur de France, et lui soumît la convention proposée en lui laissant le choix d’y adhérer ou non. Il est bien vrai que l’adhésion de la France à toute résolution entraînant l’emploi de la force contre le vice-roi n’était nullement