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mant peu d’élémens nationaux, comme entaché d’orangisme dans les Flandres et de tendances trop françaises dans le pays wallon. Pour les Flandres, où le libéralisme n’était d’ailleurs, dans le principe, qu’une infime minorité, le reproche, nous le reconnaissons, a pu paraître fondé un moment ; mais, si intéressé que puisse être notre patriotisme à l’accepter, ce reproche n’a jamais pu être raisonnablement fait aux Wallons. Je ne sais rien, que M. Dechamp me le pardonne, de plus essentiellement anti-français qu’un Belge de langue française, un Wallon. C’est une loi presque universelle, qu’entre peuples qui se touchent, les antipathies nationales se graduent rigoureusement sur les affinités de race. Trouvez-moi un parti prussien en Alsace ou un parti espagnol en Roussillon. La Belgique échappe moins que d’autres à cette loi. Les Flandres, incessamment travaillées par les appels germaniques de sa majesté prussienne, ont toujours été seules à demander l’union douanière avec la France, et c’est par le pays wallon que cette union a toujours été repoussée, et que l’accession au Zollverein ou tout au moins de larges traités avec la Prusse ont été demandés ou imposés. Les susceptibilités nationales des catholiques belges à l’égard du libéralisme wallon étaient donc passablement gratuites. Le second grief des catholiques n’était guère mieux fondé. Ils accusaient le libéralisme beige de « ne pas vouloir sincèrement la liberté religieuse, et surtout la liberté d’enseignement et celle des associations. » Sur le premier point, des scrupules ont pu se produire, en 1830, dans la majorité libérale du congrès ; mais, la constitution votée, ils ne se sont plus manifestés, du moins chez les organes sérieux du parti libéral. Sur les deux autres points, M. Dechamp nous permettra d’être surpris que lui et ses amis aient mis dix-sept ans à revenir de leurs préventions. Qui a le premier attaqué la liberté d’association ? Le parti catholique, en faisant excommunier la franc-maçonnerie, dont l’unique tort était de servir de centre aux associations électorales de l’opposition. Qui a diffamé l’enseignement laïque ? qui l’a plus d’une fois frappé d’interdit ? qui a profité de la loi sur le jury d’examen pour exclure de toute participation directe au contrôle des études supérieures les deux universités de l’état et l’université libre de Bruxelles au profit de l’université ecclésiastique de Louvain ? Le parti catholique. Que l’excès ait appelé à la longue l’excès, que les libéraux aient fini par se montrer aussi intolérans que leurs adversaires, je ne le nie pas ; mais c’est un fait incontestable que les premières attaques contre la liberté d’enseignement et celle des associations ne sont pas venues du parti libéral : ce parti n’a pas, d’ailleurs, gardé au pouvoir ses rancunes d’opposition. M. Dechamp le reconnaît tout le premier ; il en triomphe même, ce qui est de bonne guerre : « Hier, dit-il, vous demandiez par quels moyens vous alliez élever des digues pour empêcher le flot de l’influence religieuse de vous déborder ; aujourd’hui vous ne savez où trouver assez d’eau pour éteindre l’incendie socialiste qui éclate derrière vous. »

M. Dechamp passe ensuite en revue les accusations dirigées par les libéraux contre les catholiques, et il les montre avec beaucoup d’habileté se résumant dans quatre ou cinq questions puériles dont un intérêt de tactique parlementaire avait obligé les libéraux à faire grand bruit. M. Dechamp affecte ici de ne pas voir la formidable mine qu’une politique trop exclusive avait creusée sous les pas de son parti, pour appeler uniquement l’attention sur l’imperceptible grain de poudre qui l’a fait sauter. M. Dechamp est plus heureux quand il met dans la bouche