Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

craignant pour sa considération et pour son indépendance même, menaçât d’abandonner le pouvoir central dans la poursuite d’ambitions définitivement condamnées par l’Europe.

Pour combien la Prusse est-elle dans cette étrange conduite de l’Allemagne ? pour combien le parlement de Francfort ? Quelle part de responsabilité revient à chacune des deux autorités ? La Prusse est-elle faible ou rusée ? la confédération est-elle tyrannique ou dupe ? En attendant que l’avenir jette une lumière suffisante sur ces affaires enveloppées encore de quelque obscurité, il est du moins incontestable que le gouvernement danois, modéré en face de l’insurrection des duchés, énergique en présence de l’armée allemande, n’a manqué ni de dignité, ni de droiture dans les négociations. L’histoire des deux armistices en fournira les preuves.


II – LES NEGOCIATIONS ET LES BASES DE LA PAIX

Sitôt que le Danemark s’est vu attaqué dans son droit et dans son avenir par l’invasion de l’armée allemande, il en a averti les puissances intéressées à l’équilibre territorial et maritime du nord. Placé au nord dans une situation géographique analogue à celle des Turcs sur le Bosphore, il a pensé que l’importance de son rôle, comme gardien des clés de la Baltique, lui assurait des alliés. Il s’est d’ailleurs souvenu qui il avait avec la Russie, l’Angleterre et la France, d’anciens traités applicables précisément à la possession contestée du Schleswig, dont ils sont la garantie. Ces traités remontent au dernier siècle, à l’année 1720 pour l’Angleterre et la France, et à 1773 pour la Russie. Le Danemark a bien le droit d’en invoquer le souvenir, quand ses adversaires ne craignent pas de s’appuyer sur des chartes féodales du XVe siècle.

Les grandes puissances se retranchèrent toutefois, lors des premières ouvertures du Danemark, dans une réserve que la situation générale de l’Europe, à défaut d’autres motifs, suffirait seule à expliquer. La France, fort occupée chez elle, dominée d’ailleurs par la pensée d’une sorte de pacte à conclure avec l’Allemagne, dans l’intérêt de la Pologne et de l’Italie, remarqua à peine cet incident international dont elle ne sentait point manifestement la portée. L’Angleterre objecta aux premiers entretiens par lesquels le cabinet danois voulut sonder ses dispositions qu’elle ne voyait pas encore dans le simple fait de l’invasion allemande le cas prévu par le traité de 1720. La Russie fut un peu plus explicite, et donna de bonnes paroles. Enfin la Suède, qui, avec la Norvége, se croyait atteinte, ou du moins menacée de loin dans son intérêt territorial et dans ses destinées de race, reçut avec une cordialité amicale les communications du gouvernement danois.

La Norvége, détachée naguère du Danemark, que l’on voulait punir