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objection cette conception contradictoire, et il trouve que cette hypothèse ne sort point de l’ordre naturel ; et, remarquez-le bien, en faisant de tous les êtres finis, de l’homme, de l’univers, d’autres modes d’existence de la substance infinie, ce qui est le spinosisme pur, il se flatte d’avoir détruit à jamais le panthéisme ! Ce n’est point encore assez de contradictions ; si l’univers est une limitation de la substance infinie, contenue en elle par conséquent, l’univers a toujours existé en Dieu, « sans quoi, d’une part, la durée de l’Être infini ne serait pas une, et d’une autre part, renfermant quelque chose qu’il n’aurait pas renfermé toujours, il ne serait pas infini. Mais l’univers, tel qu’on est obligé de concevoir qu’il a toujours existé dans l’Être infini, n’y a pu être que sous la condition d’unité absolue qui est de son essence, conséquemment encore sous la condition d’une existence purement idéale, compatible avec la distinction typique des choses, exclusive de toute division, de toute séparation réelle ou physique. Or, cette dernière forme d’existence, caractérisée par la division, la séparation réelle ou physique des choses, est à la fois pour l’homme un fait indémontrable et invinciblement admis ; et comme, à l’égard de l’esprit, il n’implique aucune nécessité, on est contraint d’en chercher la raison là où seulement on la peut trouver, dans une volonté libre de Dieu, dont l’action, quelle qu’elle soit, pour opérer ce passage de l’existence purement idéale de l’univers en lui à l’existence réelle ou physique de ce même univers hors de lui, est proprement ce qu’on a nommé création. » Ce qui signifie que la création est un acte arbitraire de Dieu, un fait de l’ordre surnaturel, auxquels ne peuvent s’appliquer les lois naturelles de la raison. Voilà ce que m’enseigne sur ma venue au monde ce philosophe qui m’a interdit de croire aux révélations religieuses, « dont les lois, disait-il avec un présomptueux dédain, ne sont ni les lois internes de Dieu, ni les lois propres de l’univers, identiques à celles de la raison, mais des volontés de l’Être absolu, lesquelles, n’ayant de raison qu’elles-mêmes, ne peuvent, en ce sens, être conçues que comme arbitraires. » Cahoté de contradiction en contradiction, il me rejette, après y avoir éteint la foi, dans les ténèbres du mystère.

Mais où va l’humanité ? quelle est sa fin ? Qu’est-ce que la mort pour l’homme ? Ici encore, M. de Lamennais commence par récuser l’ordre surnaturel et par conséquent la révélation chrétienne : « Soit qu’on regarde, dit-il, aux conséquences qu’a, par rapport au vrai, l’hypothèse d’un ordre surnaturel, soit que l’on considère celles qu’elle entraîne à l’égard du bien ou de la vie sociale et morale, on est également contraint de la rejeter comme une des plus pernicieuses erreurs qui aient pu jamais s’introduire dans le monde, dont elle a été le fléau. » La négation ne pouvait être plus méprisante et plus hautaine ; elle s’attaque surtout à la destinée que l’ordre surnaturel assigne à l’homme par la croyance à une autre vie, où toutes les religions placent la récompense de la vie