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des duchés de Holstein et de Schleswig, établissait fortement les droits de la couronne danoise sur le Schleswig. De là des protestations très vives dans les états provinciaux du Holstein et dans ceux du Schleswig, composés en majorité d’Allemands ; de là des appels sympathiques à la fraternité de la nation allemande. L’émotion ne fut pas moins grande en Allemagne que dans les duchés ; la presse, les universités, les gouvernemens répondirent à l’appel par des paroles et par des chants fraternels. Le protecteur couronné du chantre du Rhin allemand, poète lui-même, comme on sait, déclara publiquement, en présence d’une députation de la ville de Munich, qu’il trouvait sainte et sacrée la cause du Schleswig-Holstein. Un autre souverain, plus directement intéressé que le roi de Bavière à la ruine du Danemark, obligé ainsi à une réserve plus grande dans les paroles, mais plus hardi dans les actes, le roi de Prusse, en un mot, employait toute son influence à Francfort pour obtenir de la diète une décision fédérale hostile au roi de Danemark. Enfin la diète, dépassant évidemment les limites de son pouvoir envers ce prince, et affectant de confondre la cause très distincte des deux duchés, paraissait refuser au Danemark le droit de maintenir la loi de succession danoise dans le Schleswig. Cette solution, qui n’en était pas une, blessait le Danemark sans contenter les patriotes allemands. Elle fut toutefois suivie d’un temps de halte qui a duré jusqu’au mois de janvier de cette année, c’est-à-dire jusqu’à la mort de Christian VIII. Cette mort prématurée, puisque le roi entrait à peine dans la première phase de la vieillesse, semblait rapprocher le terme marqué pour une solution définitive par le parti germanique ; elle appelait au trône celui qui, dans les espérances de ce parti, allait être le dernier représentant de la dynastie, Frédéric VII, prince sans postérité après deux mariages et deux divorces. La conduite de Frédéric VII, en raison même de sa franchise, devait ajouter de nouveaux élémens à l’irritation renaissante de la noblesse des duchés, plus que jamais inquiète pour ses privilèges. On savait que le roi nouveau avait des opinions arrêtées sur le Schleswig, qu’il regardait comme une portion inséparable du royaume. On savait aussi qu’au milieu des exigences de l’esprit public, travaillé profondément par les idées libérales, Frédéric VII reconnaissait pour insuffisantes les institutions provinciales octroyées en 1834 au pays. Le royaume allait donc obtenir une constitution. Serait-elle unitaire ? embrasserait-elle à la fois les duchés avec le Jutland et les îles ? laisserait-elle de côté le Holstein et consacrerait-elle la fusion du Schleswig dans les autres provinces danoises ? Cette question grave, émouvante pour le parti allemand, allait être enfin posée, sinon résolue.

Le roi voulait d’abord convoquer une sorte d’assemblée consultative, qui serait chargée d’élaborer la législation nouvelle. Il faisait