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années, le gouvernement des Pays-Bas a fait tous ses efforts pour déterminer le souverain japonais à admettre les navires des autres nations européennes dans les ports de son empire. Cette honorable tentative n’a pas eu le succès qu’elle méritait[1]. Elle prouve néanmoins la libéralité des vues du monarque auquel la constitution de la Hollande confie le sort de ses colonies ; et l’importance qu’il attache à l’extension du commerce dans l’intérêt commun de l’humanité. Il a senti qu’il ne suffisait pas aux Hollandais de 1848 de pouvoir se dire plus humains que ceux de 1617. — Non, sans doute, et ils feront bien, pour assurer la prospérité de leurs belles colonies, de renoncer entièrement à cette politique mesquine qui met des entraves à la liberté et au développement du commerce. Nous les engageons à modifier, dans un avenir prochain, les dispositions relatives à la fabrication du sel et au commerce de l’opium. Il importe de rendre le sel du gouvernement accessible au pauvre ; il importe aussi de favoriser tout ce qui peut tendre à diminuer la consommation de l’opium, au lieu de l’augmenter. Il importe enfin que le commerce des nations européennes, autres que la Hollande, trouve à Java et dans ses dépendances un appui, une ressource (qui lui manquent encore) dans la présence d’un certain nombre d’agens consulaires que le cabinet de La Haye a, jusqu’à présent, refusé d’admettre dans les ports des Indes néerlandaises. Notre gouvernement, s’il a vraiment à cœur la prospérité de notre commerce, s’il veut que les Français appelés par leurs intérêts légitimes aux Indes néerlandaises y jouissent de la protection que les nations éclairées et amies se garantissent mutuellement par l’intervention de leurs consuls, doit insister auprès du roi des Pays-Bas pour l’adoption d’une mesure réclamée par les principes mêmes qui servent de base aux relations internationales et par la dignité des gouvernemens comme par l’intérêt des individus. La Hollande compléterait ainsi l’œuvre de civilisation rationnelle et de régénération morale commencée à Java ; elle servirait en même temps la cause de ses colonies et celle de l’humanité.


A.-D.-B. DE JANCIGNY.

  1. Il paraît que le roi de Hollande, en s’adressant au syogoun, souverain de fait du Japon et lieutenant du souverain légitime, le mikado, pour le déterminer à se départir du rigoureux système d’exclusion que le gouvernement japonais maintient depuis 1640, insistait sur les conséquences probables d’une résistance prolongée aux prétentions légitimes du commerce européen, en citant l’exemple tout récent de la Chine, forcée de multiplier ses points de contact avec les autres nations de la terre. La réponse du syogoun a été caractéristique. « J’ai suivi avec attention (a-t-il écrit à son fidèle allié le monarque néerlandais) les événemens qui ont amené une réforme fondamentale dans la politique de l’empire chinois, et ces événemens mêmes, sur lesquels s’appuient les conseils que vous m’adressez, sont pour moi la preuve la plus claire qu’un état ne peut jouir d’une paix durable que par l’expulsion rigoureuse des étrangers ! »