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contredire à quelques jours de distance. Ils semblaient croire que l’assemblée avait pu prendre une aussi grave résolution sans y être contrainte en quelque sorte par les plus hautes considérations d’intérêt politique et national. Ils tenaient pour certain que la cause de l’Allemagne était trahie par la nouvelle majorité. Peu leur importait de savoir qu’en rompant l’armistice, en reprenant les hostilités, ils humiliaient devant l’Europe et la diplomatie prussienne et la confédération ; ils n’avaient qu’une seule pensée et qu’un seul but : la guerre.

La guerre, pour quelle cause ? Il y a plusieurs années que cette question est débattue dans la presse et dans les universités du Danemark et de l’Allemagne. Elle a donné lieu à des polémiques quelquefois violentes, soit par la voie des feuilles publiques, soit sous forme de brochures ou de traités de longue haleine entre les publicistes et les érudits danois et allemands, qui préludaient ainsi à la lutte armée des deux pays[1]. Après de si nombreuses et de si vives discussions, et depuis que les faits ont parlé, les obscurités dont le différend semblait enveloppé à l’origine ont disparu, et le doute n’est plus possible.

Le Danemark est habité par deux populations de race distincte : l’une entièrement scandinave, qui occupe les îles et le Jutland, au nord du royaume, et qui incline du côté de la Suède, l’autre entièrement germanique, à l’extrémité méridionale, dans les duchés de Holstein et de Lauenbourg, et qui incline du côté de l’Allemagne. Au centre, se trouve le duché de Schleswig, sujet ou prétexte de la querelle, qui est scandinave au nord, germanique au midi, et formé d’une sorte de mélange au centre. La race scandinave y domine[2]. Les Allemands prétendent fortifier la souveraineté du pouvoir fédéral sur le Holstein considéré comme territoire annexé à la confédération germanique, et ils voudraient en même temps que le Holstein, en s’éloignant de plus en plus du Danemark jusqu’à ce que la séparation fût complète, entraînât avec lui le Schleswig tout entier, sous prétexte que ce duché, sans faire partie de la confédération germanique, est allemand et attaché au

  1. Parmi les écrits les plus lucides et les plus francs sur la matière, nous devons citer : Le Duché de Schleswig dans ses rapports avec le Danemark et le Holstein, par C. Molbech, traduit du danois ; — De l’Insurrection du duc d’Augustembourg et de l’agression prusso-germanique, par F. Krieger (en danois) ; — Des Droits de la couronne de Danemark sur le duché de Schleswig, par M. René de Bouillé ; — Les Duchés de Schleswig et de Holstein, par Twiss (en anglais) ; — La Vérité sur la question du Schleswig, par Borring. — On a pu lire ici même, dès 1846 (15 septembre), une étude développée sur l’Agitation allemande et la Question danoise, par M. Alexandre Thomas. Chacun de ces écrits défend avec plus ou moins de vivacité la cause du Danemark. On peut consulter dans le sens opposé : La Question du Schleswig-Holstein, par Stein ; — Histoire politique des duchés de Schleswig-Holstein, par Hausser.
  2. La population du duché est de 360,000 habitans ; 200,000 sont Danois, les autres sont Allemands ou Frisons.