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Il devenait urgent d’établir sur les lieux une autorité suprême qui fût chargée d’affermir l’influence naissante de la compagnie et même d’en hâter l’extension, s’il était possible. Le projet de cette réforme capitale fut conçu par l’un des plus habiles marins hollandais, Cornelis Matelief le jeune, qui s’était distingué au service de la compagnie. Les dix-sept directeurs[1] le proposèrent ensuite à la sanction des états-généraux. Le 27 novembre 1609, les états déclarèrent « qu’ils jugeaient utile pour le bien-être des Provinces-Unies d’envoyer et d’entretenir un gouverneur-général aux Indes, afin d’assurer une bonne administration dans les pays, forteresses et autres places occupées par la compagnie des Indes orientales, et de procurer les avantages d’un gouvernement régulier aux habitans, soldats ou autres, soumis à leur autorité, ou nommés par eux pour veiller à la sécurité desdits pays, forteresses et autres places. » Telle est, en peu de mots, l’origine de la hante dignité dont est revêtu aujourd’hui encore, plus de deux siècles après la première institution, le fonctionnaire qui se trouve à la tête des possessions hollandaises en Asie. Cette dignité, soit à cause de l’autorité étendue qui y est attachée, soit à cause des avantages qu’elle offre, a été regardée de tous temps par les Hollandais comme l’une des charges les plus brillantes et les plus élevées auxquelles ils pussent aspirer. Les noms de ceux qui ont successivement été appelés à l’occuper prouvent suffisamment que ce poste éminent n’a jamais été confié, à fort peu d’exceptions près, qu’à des hommes que leurs talens, leur mérite et leur dévouement à la mère-patrie avaient désignés d’avance à l’estime et à la confiance de leurs concitoyens.

Nous venons de voir que l’honneur de la première institution des gouverneurs-généraux aux Indes orientales revenait tout entier aux états-généraux : ajoutons que les états nommèrent en même temps le premier gouverneur-général, et que depuis lors le choix fait par les directeurs de la compagnie fut toujours soumis à la confirmation des états. On regarderait à tort cette intervention des états comme une pure formalité : c’était une conséquence nécessaire de l’autorité suprême que le parlement s’était réservée sur toutes les possessions de la compagnie et sur tous ses employés. Cette société, dont le commerce était le seul but, ne pouvait faire valoir des droits de souveraineté qu’au nom et avec l’autorité du pouvoir souverain, alors les états-généraux. Aussi avait-il été formellement déclaré, dans la première concession, que tous les

  1. La charte de 1602 statuait que l’assemblée de la compagnie générale serait composée de dix-sept personnes, savoir : huit d’Amsterdam, quatre de Zéelande, deux de la Meuse, deux de Nord-Hollande, et la dix-septième, à tour de rôle, tantôt de Zéelande, tantôt de la Meuse, tantôt de Nord-Hollande, et que cette assemblée des dix-sept déciderait, à la pluralité des voix, de tout ce qui concernerait les intérêts de la compagnie.