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pendant quelques années. Ses passions semblaient éteintes par la maladie qui l’a rendu presque aveugle ; mais nous le retrouvons, au mois de septembre dernier, à la tête de la députation factieuse que l’assemblée de Pesth envoyait à la diète de Vienne. La sanglante insurrection du 6 octobre a suivi de près cette dernière apparition du vieil agitateur hongrois.

Malgré tous ces fermens de conspiration et de révolte, la majorité de la nation se montrait contente des dispositions suffisamment libérales du gouvernement autrichien. La chambre des magnats tout entière et la majorité de la chambre des états appuyaient l’administration du palatin, au moins sur toutes les questions qui ne touchaient point à la nationalité ou aux privilèges des états. En face de la conspiration radicale, il y avait une entente des meilleurs et des plus grands citoyens, soit pour calmer les inquiétudes que quelques esprits soupçonneux conservaient encore à Vienne, soit pour apaiser les ressentimens du pays. Les comtes George Karoly, Bathiany, Alexandre Erdödy, Aurel Desewfy, fils de celui dont j’ai parlé, ne s’épargnaient point à cette tâche. A la chambre des états, un nouvel orateur dont le nom devait rapidement grandir, Deak, d’opinions plus ardentes et plus démocratiques, comme il convenait à son auditoire, n’en prêtait pas moins son concours à l’œuvre de conciliation et de réforme entreprise par le parti modéré. Ses rares vertus augmentaient l’autorité de son éloquence ; le palatin le consultait sans cesse sur les affaires importantes. Au fond, on pratiquait là de la politique de juste-milieu. Aucun homme sensé ne voulait s’attacher superstitieusement à la vieille constitution, aucun non plus ne voulait la jeter bas, jouant à croix ou pile la destinée de sa patrie, sans savoir s’il la lançait dans le despotisme ou l’anarchie. La révolution du 16 mars, on l’a vu, n’a pas eu les mêmes scrupules, et a donné à la Hongrie les deux fléaux à la fois. A mesure qu’on avançait ainsi, pacifiquement et sans secousse, le gouvernement autrichien s’effaçait et disparaissait davantage devant l’autorité du palatin ; on lui laissait la conduite d’un royaume que son fils devait gouverner après lui. Dans les deux dernières diètes, celle de 1843-44 et celle de 1847, la lutte fut moins entre l’opposition et le gouvernement autrichien qu’entre les radicaux et l’ancienne opposition constitutionnelle, qui avait peu à peu pris la direction des affaires et de l’administration supérieure. Par la force des choses et la loi inévitable des révolutions, l’ancien parti libéral fondé par Széchény était devenu le parti conservateur. A mesure qu’une politique plus libérale et plus conciliante faisait taire les vieilles rancunes historiques et les haines nationales, surgissaient des difficultés de politique intérieure, des questions économiques et sociales sur l’organisation même du pays. La solution de