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beau style, mais la chevelure n’a pas la même souplesse, la même élégance. Les plans du visage sont modelés avec fermeté, mais l’œuvre, prise dans son ensemble, n’est pas d’un goût aussi pur que la pièce de 5 francs. Quant au poinçon gravé par M. Barre pour la pièce de 20 francs, bien qu’il soit traité avec une incontestable habileté, il ne peut se comparer aux deux poinçons précédens. La forme de la tête n’est pas ce qu’elle devrait être ; ce n’est pas une tête de femme, c’est une tête d’Homme, et cette méprise ne peut manquer de frapper les yeux attentifs. Les cheveux ne vivent pas et sont appliqués sur la tête ; l’expression du visage n’a pas non plus toute la sévérité qu’on avait droit d’espérer.

M. Bovy n’a gravé qu’un poinçon, celui de la pièce de 20 francs, et, par un caprice que l’art ne désavoue pas, mais qui se comprendrait mieux dans une médaille que dans une pièce de monnaie, il a présenté la République de face. Le masque modelé par M. Bovy se recommande par l’énergie de l’expression, par l’élévation du style ; les yeux regardent bien, la bouche sourit ; le visage entier respire la force et la sécurité. La coiffure est très bien conçue et rendue avec bonheur. Le programme permet-il de présenter de face la tête de la République ? Interprété judaïquement, il est hors de doute qu’il ne le permet pas, puisqu’il veut que la tête soit tournée à gauche dans les monnaies de cuivre et d’argent, et à droite dans la monnaie d’or. Le jury, à ce qu’il paraît, ne s’est pas prononcé pour l’interprétation judaïque, et je crois qu’il a bienfait. Je n’ignore pas qu’une tête de face, frappée d’un seul coup de balancier, s’effacera plus rapidement qu’un profil frappé dans les mêmes conditions ; mais la pièce de 20 francs de M. Bovy est d’un beau caractère, et le jury, sans doute, rendra pleine justice à l’auteur, sans s’arrêter au sens littéral du programme. Comme la monnaie d’or est chez nous une monnaie de luxe, l’inconvénient que j’ai signalé a beaucoup moins de gravité en France qu’en Angleterre.

Dans la pièce de 20 francs de M. Oudiné, la République est aussi présentée de face, mais elle a le tort de rappeler la tête de Méduse. Les deux poinçons gravés par l’auteur pour la pièce de 5 francs et la pièce de 10 centimes réuniront sans doute de nombreux suffrages. Ces deux profils sont en effet très heureusement conçus. Peut-être eût-il mieux valu disposer autrement les épis de la coiffure. Quant à l’exécution, je dois le dire, elle ne répond pas à la conception. À proprement parler, ces deux poinçons sont plutôt des esquisses ingénieuses que des œuvres achevées. Pour parler la langue de l’atelier, ces deux profils ne sont pas rendus.

Je pense que le jury, tout en reconnaissant le mérite de M. Oudiné, devrait demander la monnaie de cuivre à M. Domard, la monnaie d’argent à M. Barre et la monnaie d’or à M. Bovy. Ce triple choix est conseillé par la justice.

Gustave Planche.



V. de Mars.