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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1848.

Le National nous raillait l’autre jour de l’air le plus galant du monde. Comment, nous disait-il, comment peut-il arriver que vous soyez si chagrins quand nous sommes si contens, et n’est-ce pas à la fin ridicule de vous obstiner dans vos tristesses, quand nous faisons de notre mieux pour vous tenir en joie ? L’homme de la Revue vraiment est né d’humeur mélancolique et maussade ! Nous ne nous étonnons pas de voir toujours tant de gaieté chez les gens de M. Marrast ; ils devraient seulement y mettre un peu de pudeur : on sait bien que ce n’est pas eux qui paient les violons. Le National s’appelait autrefois Armand Carrel : celui-là était un esprit sérieux qui n’avait d’illusions sur rien, pas même sur la valeur de son parti. Puis est venu M. Armand Marrast, un esprit médiocrement nourri, mais suffisamment alerte, qui a gambadé pas mal d’années autour du même article avec la même grace universitaire et charivaresque. On prétend maintenant que c’était là du pur atticisme, et l’on espère loger cet athénien à l’académie. Évidemment, on le juge par comparaison avec ses successeurs. Ceux, en effet, qui l’ont remplacé lui ont gâté son journal sous le poids de leur gauche et lourde éloquence. Il eût été mieux de le supprimer tout de suite en faisant de la rédaction en masse des ambassadeurs et des préfets que d’y laisser ainsi des sous-ordres compromettre leurs chefs de file. La petite église des républicains de la veille s’est trouvée, de la sorte, cruellement desservie par l’impuissance prétentieuse de son unique organe ; n’ayant plus ni rhétorique ni paillettes pour dissimuler sa pauvreté, elle a été obligée de se montrer au naturel, et le spectacle qu’elle a donné d’elle-même par cette candeur involontaire n’était pas propre à séduire. La coterie qui grimpait au Capitole avait chargé ses écri-