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jusqu’aux temples d’Athènes, depuis les palais romains jusqu’aux cathédrales gothiques, jusqu’aux châteaux si délicatement ornés de la renaissance ; mais l’étude attentive de toutes ces merveilles ne doit servir qu’à féconder leur pensée. Emprunter à toutes les époques de l’art un des élémens qui ont fait leur gloire et leur grandeur, dérober à l’Égypte, à la Grèce, à l’Italie antique, à l’Europe du moyen-âge, quelques fragmens précieux, et de tous ces larcins composer des œuvres impersonnelles qui ne sont d’aucun temps, d’aucun lieu, c’est une triste manière d’employer le temps ; ce n’est pas profiter de l’histoire, c’est violer ouvertement les préceptes qu’elle nous donne. Nous reposer quand elle nous dit d’agir, nous souvenir quand elle nous dit d’inventer, ce n’est pas obéir à ses conseils, c’est fermer ses yeux à la lumière, son oreille à la vérité. Pour moi, je le répète, quoique les faits accomplis devant nous donnent le droit de penser le contraire, je ne puis consentir à croire que l’histoire de l’architecture soit destinée à justifier la stérilité presque générale de l’art contemporain. La pierre et le marbre traduisent aujourd’hui un bien petit nombre d’idées ; les frontons et les colonnes que nous voyons s’élever révèlent bien rarement une volonté originale. La pierre taillée sous nos yeux n’est trop souvent qu’une ruine rajeunie ; tout cela est vrai, je le confesse avec tristesse ; mais l’histoire n’est pas coupable de tous ces honteux plagiats, elle n’a pas à répondre de toutes ces copies inanimées. L’histoire n’est pas un plaidoyer en faveur de l’inaction, une égide pour l’impuissance ; les leçons qu’elle nous donne ont un sens bien différent ; les artistes laborieux et féconds qui ajoutent quelque chose au passé en produisant des idées nouvelles sous une forme éclatante ou sévère sont les seuls qui la comprennent, les seuls qui obéissent à ses conseils.

Cependant, malgré le privilége que nous signalons, l’enseignement de l’architecture est loin d’être complet à l’école de Paris et présente même des lacunes assez graves. Pour que cet enseignement ne laissât rien à désirer, il faudrait ajouter, aux chaires qui existent déjà, trois chaires nouvelles : une chaire de physique et de chimie appliquées à l’architecture, une chaire de droit des bâtimens, et enfin une chaire de comptabilité spéciale. Et, pour que les leçons données par les trois professeurs nouveaux que nous demandons eussent un caractère vraiment sérieux, les élèves devraient être appelés à subir des examens sur la matière de ces leçons. Ce serait, à notre avis, la seule manière de prévenir ce qui arrive pour l’étude historique de l’architecture, que les élèves suivent ou négligent, selon leur caprice. Est-il besoin de démontrer l’importance, la nécessité des trois chaires nouvelles que nous demandons ? La salle construite cette année pour l’assemblée nationale a révélé aux moins clairvoyans le rôle immense que joue la physique dans la construction des monumens publics. Chacun sait, en effet, qu’une