Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maxime proclamée par Calvin, que les huguenots doivent être réprimés par le droit du glaive : jure gladii coercendos esse hoereticos, appliquée à Servet, à Jacques Bruet, à Valentin Gentilis. En France, le parti protestant, allié naturel de l’étranger, aspirant à remplacer la monarchie française par une fédération aristocratique, ayant des assemblées, des chefs, des places fortes, fut long-temps comme un état dans l’état. Richelieu sentait, ce sont ses expressions, « l’impossibilité où la France serait de tenter rien de grand, tant qu’elle serait travaillée de ce mal intérieur et que les huguenots auraient un pied dans le royaume. » Dans la prise de La Rochelle, il voyait un événement qui a rouvrait encore le chemin au roi pour exterminer le parti qui, depuis cent ans, divisait son état. » Voilà le véritable principe de la révocation de l’édit de Nantes. Louis XIV prit le mot d’ordre, non de la dévotion de Mme de Maintenon, mais de la politique de Richelieu.

Après la prise de La Rochelle, le parti protestant cesse d’avoir un caractère et d’offrir un danger politique ; mais l’inquiétude survit au péril : les impressions que les événemens laissent après eux dans l’histoire sont elles-mêmes des événemens. Ne voyons-nous pas aujourd’hui les souvenirs de la terreur créer en France un préjugé contre la république ? De même, quand les protestans n’étaient plus à craindre, on se souvenait qu’ils l’avaient été. Et la pensée de rétablir dans l’état l’unité de religion, loin d’être née à la fin du règne de Louis XIV, sous l’empire d’une dévotion morose, cette pensée, qui ne fut jamais abandonnée, l’occupa dès les premières années de ce règne, ainsi que M. de Noailles l’a montré par une suite de citations qui ne laissent rien à désirer.

Ce qu’entreprenait Louis XIV, en voulant rétablir l’unité religieuse dans son royaume, était à ses yeux et aux yeux de l’opinion publique, depuis Bossuet jusqu’à La Fontaine, légitime et glorieux. Nous ne pensons pas ainsi, et nous avons bien raison de penser autrement ; mais nous ne pouvons faire un crime à Louis XIV d’avoir été de son temps, et au XVIIe siècle d’être venu avant le XVIIIe. Les reproches que l’histoire peut adresser à Louis XIV portent sur les moyens employés ; quant aux violences, il ne peut y avoir qu’une voix, et M. de Noailles n’hésite pas à les réprouver. Seulement, il faut encore ici tenir compte des dates qu’on oublie trop souvent. Les barbaries exercées contre les protestans eurent lieu beaucoup moins sous le règne de Louis XIV que pendant les années qui suivirent : sous la régence, par le conseil de Saint-Simon, et surtout sous le ministère du duc de Bourbon. C’est ce qu’on voit très bien dans l’un des ouvrages qui inspirent le plus d’intérêt pour les victimes de la persécution : l’Histoire des Églises protestantes au Désert, par M. Ch. Coquerel.

Ce que M. de Noailles montre parfaitement, ce qui n’avait jamais été