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qu’elle ne pressa point la révocation de l’édit de Nantes et ses suites, mais qu’elle ne s’y opposa point. » Je le crois bien, on ne s’opposait guère aux plans de Louis XIV. Le rôle de Mme de Maintenon auprès du roi était beaucoup plus un rôle de complaisance que de direction. C’est encore ce que pensait Voltaire. « Pourquoi dites-vous, écrit-il à M. de Formey, que Mme de Maintenon eut beaucoup de part à la révocation de l’édit de Nantes ? Elle toléra cette persécution comme elle toléra celle du cardinal de Noailles, celle de Racine, mais certainement elle n’y eut aucune part. C’est un fait certain, elle n’osait jamais contrarier Louis XIV. » Voilà la vérité ; on est toujours disposé à croire à des influences cachées sur les volontés des hommes qui conduisent le monde. Pour moi, tout en reconnaissant et en respectant la discrète influence que la tendresse peut exercer sur le génie, je n’ai pas grande foi aux Égéries, et j’imagine que Numa en faisait à sa tête après ses entretiens au bord de la fontaine. La grande affaire de Mme de Maintenon était de désennuyer le roi. Elle avait trop de sens pour se flatter de le gouverner. Et pourquoi ? Par fanatisme ? Mais le fanatisme n’était point dans son tempérament. Elle était si éloignée de ce zèle dont sont animés parfois les convertis, qu’elle s’attira un jour ces paroles un peu dures du roi : « Je crains, madame, que les ménagemens que vous voudriez qu’on eût pour les huguenots ne viennent de quelque reste de prévention pour votre ancienne religion. » Mme de Maintenon écrivait : « Il faut persuader et non persécuter. » Au reste, si des écrivains légers et mal informés, venus après elle, l’ont voulu rendre responsable des persécutions exercées contre les protestans français, les écrivains protestans n’ont pas tous partagé ces préventions. Les historiens des réfugiés français dans le Brandebourg disent positivement : « Elle ne conseilla jamais les moyens violens dont on usa. Elle abhorrait les persécutions, et on lui cachait celles qu’on se permettait. » Enfin, il ne faut pas oublier les dates : quand Louis XIV révoqua l’édit de Nantes, il n’était pas vieux, mais dans la force de l’âge, il avait quarante-sept ans, et, quand il entra dans la voie des rigueurs législatives qui firent présager cette résolution, il n’était point le mari de Mme de Maintenon, il était aux pieds de Mlle de Fontanges.

Le lieu commun écarté, il restait à le remplacer, à faire l’histoire véritable de la révocation de l’édit de Nantes ; c’est cette histoire qui remplit presque entièrement le second volume de l’ouvrage et lui donne surtout une véritable valeur historique.

L’auteur remonte aux idées que la législation des empereurs romains avait répandues dans le monde touchant l’autorité du prince en matière de religion. Arrivé à la réformation, il y trouve à la fois et un principe d’insurrection contre les puissances établies et le droit d’intolérance, de persécution invoqué par les réformateurs eux-mêmes ; il voit la