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réjoui de ses succès, et je suis persuadé qu’ils lui feront faire de nouveaux pas… Nous partons pour Naples, Schnetz, Beauvoir et moi, dans un mois. Ce sera un voyage pittoresque, car nous le ferons à pied et par les montagnes. Le Moine s’y décidera aussi, je pense[1].

« Nous avons été bien attristés ce soir (28 juillet), en apprenant la mort de M. David, de cet homme extraordinaire. Son fils aîné était parti pour aller le rejoindre : il ne retrouvera plus son père. Je le plains sincèrement. Dans ta première lettre, je te prie, donne-nous tous les détails que tu sais sur la mort de notre cher maître, pour le talent duquel nous avions tous une si grande vénération. »

1829. — « Schnetz, qui est ici depuis plusieurs mois, vient de terminer entièrement un très beau tableau (figures de grandeur naturelle), qui augmente encore sa réputation. Je suis persuadé qu’il aura un plein succès au Salon, car il est original, outre le mérite de la peinture. Ce tableau est pour l’église de Saint-Étienne, et, en le lui demandant, on l’a instruit qu’au-dessus il y aurait cette phrase : « Consolation des affligés. » Il a eu l’idée de représenter l’intérieur d’une église avec un autel à la Madone. Au pied, se trouve une famille de paysans romains, qui l’implore pour une jeune enfant assise par terre et très malade. Ce groupe est admirable et le principal du tableau. Il y a aussi une vieille qui est parfaite, et plusieurs autres figures qui toutes sont occupées à implorer l’assistance divine. C’est enlevé, c’est d’une force d’expression qui émeut et d’une exécution meilleure que tout ce qu’il a encore peint. Il fallait réussir comme il a fait pour ne pas risquer d’être critiqué pour une innovation, car c’en sera une de voir cette composition placée à côté d’histoires de saints ou de traits de la vie de Jésus-Christ.

« Il dit qu’il veut changer sa manière en peinture. Néanmoins on trouve que le tableau qu’il vient de finir est de la même peinture que ceux de Paris. Il représente le portrait du pape Pie VIII porté[2]. La première chose qu’il ait faite ici est un tableau raté qu’il ne finira point.

  1. Le Moine, sculpteur français médiocre, établi à Rome, qui a répandu dans diverses églises de cette ville, notamment à Saint-Louis-des-Français et à San-Lorenzo in Lutina, de faibles monumens de son ciseau. On a de lui, au jardin du Palais-National à Paris, le groupe en marbre d’un jeune pâtre tenant une chèvre, ouvrage exécuté avec une mollesse que rachète peu la composition. C’est pourtant son chef-d’œuvre.
  2. Il est d’usage, à Rome, lors de l’exaltation du pape à Saint-Pierre, et lors de son installation comme évêque de Rome à Saint-Jean-de-Latran, que le saint-père, assis sur une sorte de trône, soit promené dans l’église, porté à dos d’hommes, entouré de suisses en costume du XVIe siècle dessiné par Raphaël, et escorté, de chaque côté, d’un massier qui tient un immense éventail. Cette cérémonie a encore lieu le jour de Pâques, quand le pape donne la bénédiction Urbi et Orbi du haut de la tribune de Saint-Pierre. Le jour de la Fête-Dieu, il est encore porté ; mais, cette fois, assis sur un petit tabouret masqué de brocards d’or, il est censé à genoux, appuyé devant un prie-Dieu, etc. C’est une de ces cérémonies que représente le tableau d’Horace Vernet, tableau un peu théâtral qui est maintenant dans la galerie historique de Versailles.