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À consulter un passé déjà un peu ancien, il est vrai, la réponse ne saurait être douteuse. Par leurs principes, par leurs antécédens de parti, les whigs sont les amis naturels de la France ; l’alliance française fait partie de leur programme politique. Les disciples de la grande école philosophique et libérale qui s’honore des noms des Grey, des Holland, des Granville, des Lansdowne et des Russell, sont nos vrais alliés plutôt que les héritiers des doctrines des Pitt et des Castlereagh ; mais les traditions de parti se sont singulièrement altérées depuis quelque temps. L’administration tory, depuis 1830, a toujours eu pour ministre des affaires étrangères un homme grave, d’une raison supérieure, plein d’autorité sur son parti, que ses réflexions et le cours des temps ont ramené insensiblement à des sentimens meilleurs à notre égard, et qui n’a cessé de nous en donner des preuves. Au contraire, le parti whig, dans ces dernières années, a confié la direction de sa politique extérieure à un homme d’une capacité incontestable et d’une activité prodigieuse, tory d’origine et au début de sa carrière, qui paraît avoir concentré en lui seul toute la haine que les tories d’autrefois portaient naguère à la France. Loin de moi l’idée de m’en plaindre. J’ai toujours admiré le sérieux avec lequel plusieurs publicistes français ont coutume de reprocher gravement à lord Palmerston de ne pas aimer la France, de ne pas se complaire aux succès de la France, de ne pas prendre à cœur les intérêts français. Je n’avais pas soupçonné, je l’avoue, que le ministre d’un pays étranger fût obligé d’aimer un autre pays que le sien et tenu de rechercher des triomphes pour une autre politique que pour la sienne. Semblables récriminations sont un peu naïves de leur nature. Le ministre des affaires étrangères du cabinet whig aurait droit de les mépriser et d’en rire. Ainsi fait-il, nous le croyons. Il y a bien une autre question celle de savoir si lord Palmerston a rendu de bons ou de mauvais services à la politique anglaise. Cette question regarde encore exclusivement l’Angleterre, nous n’avons point à nous en occuper ; mais, en voulant servir les intérêts particuliers de sa patrie, lord Palmerston n’a-t-il pas, sans motifs sérieux et par conséquent sans droit, compromis les intérêts généraux du monde ? N’a-t-il pas failli à certaines convenances, à des règles sacrées qui dominent même la politique ? Chacun a qualité pour s’en enquérir. Examen fait, chacun a caractère pour exprimer un jugement, même sévère. Pour aider nos lecteurs à se former à cet égard une opinion, il nous faut les transporter un instant en Espagne, sur cette terre toujours si fatale à l’entente de la France et de l’Angleterre, et les faire assister au début de l’alliance anglo-française.

Les auspices n’en furent point heureux. Le germe des dissentimens de 1840 et de 1846 se trouve malheureusement tout entier recélé, et déjà trop apparent, dans les dispositions manifestées par le négociateur anglais lors des transactions de 1834. À ces deux époques, les circonstances