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défensive, comme en 1831. Pour le moment, il observait. Ce qui se passait en Italie tenait autant de la révolte que de la révolution. Les révoltes sont plus saisissables que les révolutions ; elles ont un corps qu’on peut appréhender. Les révolutions tiennent de la nature des spectres. Il faut, pour régler sa conduite à leur égard ; attendre que les spectres se revêtent d’un corps. » Il terminait en rappelant qu’il « avait été élevé en France, sous la direction d’un maître qui, en 1792, avait joué le rôle de président d’un comité des dix nommé par les Marseillais pour faire et surveiller la journée du 10 août, et qui, en 1793, avait été juge d’un tribunal révolutionnaire. Il avait donc vécu à côté de tous les personnages de la révolution, et dans un monde bien différent de celui dont, selon toute vraisemblance, on devait le croire sorti. Son esprit avait pris sa marche de lui-même, sous l’influence des événemens auxquels, depuis 1794, il avait assisté. Cette marche était la conséquence naturelle de l’indépendance et du calme qui formaient la base de son caractère. »

Ces dispositions d’une ame libre et dégagée de préjugés étaient bien celles du conseiller autrichien laissé à lui-même, toutes les fois que les inquiétudes dont nous avons parlé plus haut ne donnaient pas à ses idées une autre direction. De 1835 à 1840, c’est-à-dire pendant la période de temps dont nous nous occupons en ce moment, il y eut de la part du cabinet de Vienne une tendance marquée à se rapprocher de la France. Les mêmes motifs qui avaient poussé la Prusse dans notre alliance agissaient à un moindre degré, mais agissaient cependant sur l’Autriche. Comme la Prusse, l’Autriche avait su gré au ministère du 15 avril de n’avoir pas appuyé les prétentions irrégulières de la Belgique dans l’arrangement final qui détermina les limites définitives entre la Hollande et le nouvel état belge. Le ministère français de cette époque prêta tant qu’il put son appui aux efforts du roi Léopold pour obtenir des conditions plus avantageuses que celles signées par lui et toutes les puissances admises aux conférences de Londres ; mais les engagemens étaient irrécusables. En cette occasion comme toujours, le gouvernement français tint à l’honneur de se montrer rigide observateur de la parole donnée. Cette détermination rassura l’Autriche, qui ne s’attendait peut-être pas à nous trouver si scrupuleux.

L’évacuation de la citadelle d’Ancône par les troupes françaises nous ramena surtout cet ombrageux cabinet. De grandes controverses se sont élevées autrefois au sujet de cet acte du cabinet dont M. Molé était président. A coup sûr, le texte de la convention était précis : il stipulait que nous nous retirerions d’Ancône quand les Autrichiens abandonneraient Bologne. Le pape, qui avait négocié avec l’empereur d’Autriche le départ de la garnison allemande de Bologne, nous sommait, pièces en main, d’évacuer la place d’Ancône. Les choses venues à ce point, la question