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régulières faites par le sultan de Bornéo propre[1], l’une au gouvernement britannique, l’autre à un sujet anglais, jetèrent l’alarme en Hollande et soulevèrent l’indignation d’un parti considérable dans les états-généraux[2]. Le ministre des colonies, vivement interpellé, fut sommé de s’expliquer sur le sens et la portée qu’il reconnaissait aux articles du traité de 1824 qui avaient trait à la question. Le ministre fit observer que le but principal du traité avait été de prévenir toute possession simultanée ; qu’une séparation complète de territoires avait été établie au moyen d’échanges ; que les possessions anglaises à Sumatra avaient été cédées aux Pays-Bas, tandis que ceux-ci cédaient à l’Angleterre leurs possessions sur le continent des Indes et la presqu’île de Malacca ; que toute tentative de l’une des parties pour faire revivre désormais la possession simultanée serait contraire à l’esprit manifeste du traité ; qu’enfin, un établissement anglais sur la partie indépendante de Bornéo devrait être considéré comme une violation du traité de 1824.

Pour ce qui regardait la question de Laboean, elle se présentait, selon le ministre, sous un tout autre aspect. Située en dehors du cercle territorial de la Néerlande, cette île n’avait été ni possédée ni même visitée par les Hollandais. Jamais ils n’avaient eu ni relations politiques ni même rapports commerciaux avec les habitans de Laboean. On ne pouvait donc pas s’opposer à la prise de possession de Laboean, en se fondant sur le traité de 1824. A l’égard de Bornéo, le gouvernement avait reçu les communications les plus rassurantes. On devait penser que la loyauté britannique persisterait dans les intentions honorables qu’elles avait manifestées à ce sujet. Les négociations se poursuivaient dans ce sens, et le ministre en espérait un résultat satisfaisant.

L’année dernière, cette question délicate a été remise sur le tapis, et le ministère a été interpellé de nouveau sur l’issue des négociations. Cette fois, le ministre des affaires étrangères est venu en aide à son collègue des colonies. Il a rappelé aux états-généraux qu’une partie de Bornéo était indépendante de la Néerlande, et que celle-ci n’avait pas le droit de s’opposer à ce qu’une autre puissance fût mise en possession d’une île située au nord de la limite du territoire néerlandais. Cette considération lui paraissait décisive quant à la question de Laboean. Pour ce qui regardait la garantie donnée par le traité de 1824 à l’inviolabilité des possessions néerlandaises dans l’archipel oriental, le ministre avouait que le gouvernement anglais n’envisageait pas la question du même point de vue que le gouvernement hollandais. Ce dernier persistait à regarder toute possession simultanée sur l’île de Bornéo comme contraire au principe du traité et à l’interprétation

  1. On désigne ainsi la partie nord de Bornéo encore indépendante, quoique subissant dès à présent l’influence anglaise.
  2. Octobre 1846.